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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 octobre [1835], mardi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, ma joie, bonjour, ma vie, bonjour, mon grand VICTOR qui n’a aucun TORT puisqu’il m’aime. Peut-être pas dans les règles ordinaires mais enfin il m’aime tout ce qu’il en faut pour rendre très heureuse une pauvre fille comme moi.
Mon cher petit homme, je crains bien que cette journée soit une de celles où ton temps, ta personne et ton esprit seront plus pris, plus occupésa que jamais. Je me résigne d’avance à ne te voir qu’à 7 h. du soir pour t’embrasser seulement, comme je me résigne encore à ne t’admirer que longtemps après les autres car il est bien probable que je n’aurai mon cher petit exemplaire [1] qu’après tout le monde. Je ne peux pas dire que ça me soit égal parce que ça n’est pas égal, bien au contraire. Mais je peux dire que je n’attends pas après lui pour me prosterner devant toi, pour t’adorer et t’admirer. Je suis en fondsb de ces deux sentiments-là pour toute ma vie, rien que depuis le jour où je t’ai vu pour la première fois, où j’ai entendu ta voix pour la première fois. Te le rappelles-tu ce jour-là ? Moi, je ne l’ai pas oublié. Je n’ai rien oublié, ni de lui, ni des autres qui lui ont succédéc. Et je t’aime, et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 52-53
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « occupé ».
b) « en fond ».
c) « succédés ».


27 octobre [1835], mardi soir, 8 h.

Vous êtes un affreux Toto, vous ne viendrez pas me chercher encore ce soir pour sortir et vous m’empêchez de me coucher, ce qui est le comble du despotisme et de la tyrannie.
J’ai un mal de tête effroyable. Je n’en peux plus. Je ne sais pas comment je vais faire pour rester debout jusqu’à 10 h. Je suis bête encore plus ce soir. Je suis dans un de ces moments dont je t’ai parlé, tu sais, où le souvenir de ce que tu es me paralyse jusqu’à la stupidité. Aussi je ne te dirai rien autre que je t’aime. Voilà tout. Que je suis fort triste et fort abandonnée de toi et que si cela devait continuer longtemps comme cela, je ne voudrais pas de ta gloire à ce prix-là.
Je ne remplis pas en entier la feuille péso-stère [2] de mon papier parce que mon esprit étant plus lourd que de coutume, il pèse autant et plus dans de plus petites dimensions qu’à l’ordinaire. Mais je t’aime.

Juliette

[Adresse]
À mon grand
et bien aimé Toto

BnF, Mss, NAF 16325, f. 54-55.
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Les Chants du crépuscule paraît le jour de l’écriture de la lettre, le mardi 27 octobre 1835.

[2En 1834 a été commercialisé le péso-stère, appareil qui mesure et pèse le bois en même temps. Son invention est due à M. Fayard, marchand de bois au quai d’Austerlitz.

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