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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 octobre [1835], dimanche matin, 10 h.

Je t’écris de mon lit, mon cher petit homme, où je suis restée blottiea, non pas que je sois malade, mais il fait si froid que je n’ai pas encore oséb mettre mon nez hors de mon lit.
Vous n’êtes pas venu ni cette nuit ni ce matin, mon cher petit jaloux, et vous avez très mal fait ; car vous auriez vu comment vous auriez été accueilli, comment j’aurais pris votre chère petite tête dans mes bras pour la baiser dans tous les sens et puis je vous aurais fourréc dans la place la plus chaude de mon lit pour vous réchauffer et vous dorloterd. Enfin je me serais portéee à tous les excès sur votre personne. Ainsi vous avez très bien fait de ne pas venir.
Vous avez peut-être eu la lâcheté de travailler encore une partie de la nuit ? Vraiment vous n’êtes pas digne d’être un employéf, UN HOMME QUI A UN EMPLOI.
Comme il me paraît certain que vous avez eu la scélératesse de passer la nuit à tuer vos pauvres yeux, je ne vous ferai aucun reproche sur l’inhumanité de vos procédés envers ce pauvre cher petit Toto si bon, si charmant, si noble, si adorable. Je prendrai le parti de l’aimer encore plus en raison de ce que vous le maltraiterez plus, je lui ferai autant de bien dans mon cœur que vous lui ferez de mal la nuit dans l’ombre en secret car vous avez la force, c’est lâche ! Mon pauvre petit Toto, que je te plains, que je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 15-16
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « blotie ».
b) « osée ».
c) « fouré ».
d) « dorlotter ».
e) « porté ».
f) « emploié ».


18 octobre [1835], dimanche soir, 8 h.

Oui, mon cher Victor, je suis heureuse. Oui, mon bien-aimé, tu suffis à tous mes besoins car toi, tu es tous mes besoins ou plutôta tu es ma vie même.
Quel noble cœur que le tien, mon Victor. Combien de généreuses pensées et de généreuses actions passent dans ton esprit et s’exécutent par toi en silence. Quel dommage que je ne sois pas appelée un jour en témoignage de tout ce que j’ai su de beaub, de grandc et de noble de toi. Avec ce que tu as laissé tomberd indifféremment devant moi, il y aurait de quoi faire cent réputations de Napoléon.
Mon bien-aimé, je ne t’aime pas, je t’adore. Je ne te respecte pas, je te vénère. Tu es mon amant, mon dieu, tu es mon tout.
Je suis dans un paroxysmee de bonheur, de joie et d’orgueil. Je suis heureuse de t’aimer. Je suis fière de t’appartenir.
Tu verras que nous serons bien heureux un jour, c’est-à-dire que nous serons moins pressés, moi par le besoin, toi par le travail. Car autrement nous ne pouvons pas être plus heureux qu’à présent où nous nous aimons de toutes les forces de nos âmes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 17-18
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon]

a) « plus tôt ».
b) « beaux ».
c) « grands ».
d) « tombé ».
e) « paroxisme ».

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