24 octobre 1868

Guernesey, 24 octobre [18]68, samedi matin, 7 h. ¼

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour. Je ne sais pas depuis quand tu as attaché ton signal, quoique levée depuis six heures et demie au petit, petit jour ; mais je n’ai ouvert ma porte que tout à l’heure pour laisser Suzanne un peu plus longtemps au lit dans ce moment-ci où les pieds de Griffon lui donnent un surcroît de fatigue. J’espère que tu as bien dormi ; quant à moi, j’ai fait ma nuit de pièces et de morceaux cousus et recousus de rhumatismes. Chaque goutte de pluie qui tombe est une douleur de plus dans mon pauvre vieux bras droit. À ce propos, vous l’avez échappé belle hier au soir. Si vous aviez retardé seulement de cinq minutes votre départ, vous receviez l’averse en plein dos. Heureusement que vous étiez rentrés avant la première goutte. Je m’aperçois que mon gribouillis menace d’être encore plus ennuyeux que le temps pour peu qu’il se prolonge sur ce ton-là jusqu’au bout. Je me hâte d’en sortir pour revenir à toi, le soleil de mon âme. Tu es le rayon lumineux et bienfaisant de ma vie et je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16389, f. 292
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette