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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 juillet [1839], lundi matin, 11 h. ¾

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour ma joie. Je n’ai pas besoin de te dire que je suis levée depuis longtemps mais le marchand de vin, mais Claire, mais les robes à visiter auparavant de les donner à la blanchisseuse, tout cela m’a pris mon temps. Mais mon bon petit homme, je n’ai pas besoin de t’écrire poura penser à toi. Tu es le but de toutes mes actions, la préoccupationb de mon esprit, la flamme de mon âme.
J’ai beaucoup à faire aujourd’hui à cause du blanchisseur et de la couturière combinés avec Claire qu’il faut habiller et OCCUPER. Cependant je serai sous les armes tantôt prête à aller au feu d’artifice [1]. Si tu ne peux pas nous y mener, nous n’en serons pas moins bons amis pour cela, au contraire. Pauvre ange, je ris mais c’est vraiment du fond du cœur que je te dis que tu n’as pas besoin de te gêner pour nous faire sortir. Tu travailles tant que c’est un cas de conscience pour moi de te tourmenter. Aime-moi, mon cher petit homme. Aime-moi car je ne t’ai [jamais] plus aimé ni plus apprécié qu’à présent. Tu es pour moi comme un Dieu. Je baise tes chers petits pieds. Aime-moi. Baise-moi. Et viens me voir tout en travaillant. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 169-170
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « pour pour ».
b) « préocupation ».


29 juillet [1839], lundi soir, 6 h.

Nous sommes prêtes à tout, mon Toto, même à rester chez nous si le vent de l’inspiration vous agite et vous empêche d’arriver jusqu’à nous. Cependant, mon cher petit bien-aimé, sous cette résignation se cache un besoin dévorant de vous voir et de baiser votre cher petit bec. Car je ne sais pas si vous vous en rendez compte, mais il y a un temps infini que je ne vous vois que comme pour l’amour de Dieu mais pas assez pour mon amour à moi.
Je suis très contente que Mme Krafft ait trouvé ton ravissant petit portrait ressemblant [2]. Je ne suis pas la seule au moins qui vous voie comme vous êtes, c’est-à-dire charmant et adorable. Jour mon petit o. Baisez-moi mon gros To. On dirait qu’il va pleuvoir. PHAME pour le feu d’artifice. Et ma pauvre Claire qui a travaillé toute la journée ! En vérité nous sommes des êtres bien HIDEUX si nous ne récompensons pas sa vertu et sa résignation. Ça dépend de vous, scélérat. Baisez-moi et taisez-vous. Vous êtes bien i, je le sais, mais vous êtes trop rare. Vous seriez parfait si vous ne me quittiez jamais. Jamais de la vie ni des jours ni des nuits. Et surtout des NUITS. Mais voici venir ma SAISON et mon TRIOMPHE [3], aussi je patiente, je suis courageuse et bonne jusque-là, mais après je deviens enragée comme un chien.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 171-172
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

Notes

[1Un grand feu d’artifice fut donné au-dessus des Champs-Élysées le 29 juillet 1839, pour célébrer la révolution de Juillet 1830. Delphine de Girardin, qui fait la description pittoresque de cette fête populaire dans sa chronique de La Presse du 2 août, témoigne qu’il dura quarante-trois beaucoup trop longues minutes (voir ses Lettres parisiennes, Paris, Charpentier, 1843, p. 370 et suivantes).

[2Hugo a offert à Juliette son portrait par Louis Boulanger.

[3Juliette se réjouit du voyage que lui a promis Hugo après qu’il aura terminé sa pièce en cours (Les Jumeaux).

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