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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 juillet [1839], mercredi matin, 9 h. ½

Bonjour mon petit homme bien-aimé, bonjour mon ravissant petit Toto. Je t’aime. J’espère que je suis MATINEUSE ? Il est 9 h. ½ à ma pendule qui avance de deux heures. Phame. Ça ne m’arrive pas souvent, hein ? Mais aussi quand ça m’arrive ce n’est pas pour peu. Il me semble aujourd’hui voir le soleil si haut que nous allons clore notre SAC DE NUIT et appeler Nicolle. Hélas ce n’est qu’une illusion. Mais en attendant qu’elle devienne une réalité je veux t’aimer de toute mon âme, afin de te forcer à me donner ce mois de bonheur que j’achèterais avec dix ans de ma vie, si cela se pouvait. N’oublie pas non plus, mon Toto, que tu m’as promis une CULOTTE NEUVE à l’occasion de ta fête. Comme ça ne peut pas être le jour même et que je m’en rapportea au proverbe qui dit que la fête passée, adieu le saint, je désire que la susdite culotte soit faite et usée avant le jour SOLENNEL ET INTERDIT, quitte à y remettre beaucoup de FONDS plus tard si nos moyens nous le permettent. Je vous ordonne de me baiser tout de suite, et de m’aimer toujours. De mon côté j’en ferai dix milliards de fois autant. Jour Toto. Jour mon petit o. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 119-120
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « rapportte ».


Mercredi après-midi, 2 h., 17 juillet [1839]

Vous me faites bien la mine d’être à Saint-Prix [1], mon adoré, vous étiez si pressé et vous insistiez tant pour les journaux qu’il est probable que c’était pour vous ÉVASER vers ce pays-là. Au reste puisqu’il faut que vous y alliez, autant aujourd’hui que demain ; pour moi tous les jours où je ne vous vois pas sont également tristes et insupportables, aussi je n’ai pas de choix pour être moins malheureuse de votre absence une fois qu’une autre. Je crois que le temps va se mettre au beau et que nous pourrons enfin faire faire nos portraits. Je m’attends à ce que l’opticien nous écrive un jour où vous serez à la campagne et où nous n’aurons pas d’argent. La fée du guignon me fait l’effet de se mêler encore de cette affaire-là. Au fait, c’est juste : c’est une chose que je désire de tout mon cœur qu’un portrait de vous ressemblant, c’est bien le moins que tout s’y oppose. Je viens de payer le loyer. Tout à l’heure je ferai frotter et après cela je prendrai un bain, si tu n’es pas venu comme je le crains. J’ai mal aux reins et à la tête et j’espère me soulager en me plongeant dans l’eau. Mon bon petit homme, je t’en suppliea, envoie les livres de Mme Krafft chez le relieur. Je te donne la liste des livres qu’elle a, tu verras par là ceux qui lui manquent, afin que tu écrives tout de suite après avoir lu ma lettre à tes banquiers et à ton relieur, à tes banquiers pour donner l’ordre au libraire de livrer les exemplaires à ton relieur pour lui donner l’ordre de venir les prendre chez toi ou chez ton portier. Tu y joindras le modèle. De cette façon nous nous acquitterons enfin envers Mme Krafft sans te donner beaucoup de peine ni d’embarras. Pardonne-moi de tant insister, j’ai à cœur de terminer cette affaire-là. Je t’aime mon cher petit bien-aimé, je serais bien joyeuse si tu venais me chercher pour sortir avec toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 121-122
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « suplie ».


17 juillet [1839], mercredi soir, 6 h. ¼

Quelque part que vous soyez, mon bien-aimé, je viens à vous le cœur plein d’amour. Ne vous détournez pas et laissez reposer votre pensée sur cette pauvre âme qui vous suit pas à pas sans se lasser jamais quoiqu’elle vous aime toujours davantage. Baisez-moi mon petit o. Jour un To. Jour un gros To. Je travaille joliment depuis quelque temps : aujourd’hui encore plus, mais aussi je suis lasse et je vais me reposer toute la soirée. Les petites Besancenot vont monter tout à l’heure. À propos, mon cher adoré, je ne sais plus au juste si c’est 10 francs que tu m’as donnésa hier, j’avais oublié de les marquer tout de suite et maintenant je ne me souviens plus bien du chiffre. Au reste j’en serai quitte pour constater à la fin du mois un déficit pour ou contre MA CAISSE. Ça ne me gêne pas plus que ça. Et ma culotte ? Quoi, pas même un pauvre petit caleçon de rien du tout ? C’est joliment FROID ET SÈCHE et ma vertu n’est guère bien récompensée. Heureusement que je me rabibocherai pendant notre voyage. Je voudrais que ce fût demain. QUEL BONHEUR !!!!!!!b

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 123-124
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « donné ».
b) Les sept points d’exclamation courent jusqu’à la fin de la ligne.

Notes

[1Commune dans la vallée de Montmorency où Léopoldine est allée séjourner en juin 1839 chez son amie Eudora Chaley. Hugo y louera une propriété pour 6 mois en 1840.

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