Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1839 > Juillet > 2

2 juillet [1839], mardi matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour mon Toto. Comment vas-tu mon petit homme ? Je t’aime mon amour, je pense à toi et je t’aime. Je suis restée dans mon lit à lire les journaux, je viens seulement de me lever. Le temps est gris et lourd, moi je suis triste et malingre, sans savoir pourquoi ou plutôt en sachant pourquoi, car je ne le sais que trop : j’ai besoin de te voir, j’ai besoin de notre voyage, j’ai besoin d’air et d’amour. Tu comprends maintenant pourquoi je suis triste et découragée ? Toi, je te vois à peine et notre voyage ne paraît pas prendre une figure bien prochaine ni bien arrêtée, aussi je suis très triste. Pourtant tu es bien bon et bien dévoué, pourtant tu es de plus en plus ravissant et adoré : que nous manque-t-il donc pour être heureux ? Peu de chose : le Bonheur ! Être ensemble, vivre ensemble, respirer ensemble, regarder ensemble, sentir, admirer, aimer ensemble, c’est là le bonheur et c’est ce que nous n’avons pas, aussi je suis triste, triste, triste. Je t’aime, mon Toto, tu ne sauras jamais combien. J’ai le cœur plein de reconnaissance et d’adoration, tu es si généreusement et si [bigrement  ?] bon. Tu es mon Toto. Moi, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 63-64
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse


2 juillet [1839], mardi soir, 8 h. ½

Il pleut, mon cher petit homme, et nous voilà revenus de notre promenade projetéea. Je ne la regretteraisb que médiocrement si cela ne devait pas me priver de vous voir quelques heures plus tôt, aussi vous trouverez tout simple que je sois furieuse contre ce marsouinc de temps qui pour me vexer ouvre ses écluses… …cré temps, va. Merci mon Toto, merci mon amour, je suis bien contente de mes assiettes. Telles qu’elles sont, elles font l’ornement de ma SOCIÉTÉ car vous savez que, vous absent, je vis au milieu des pots et des cruches dont je suis la déesse ? Puah ! que je pue ! J’ai les mains empoisonnées de cette horrible chose gluante que tu avais à ta redingote, qui par parenthèse ne veut pas s’en aller ni à l’eau chaude ni au savon. Mes serviettes à débarbouiller en sont empestées sans que ma servarde puisse me dire d’où ça vient. J’ai le cœur sur les lèvres : ça pue comme une rage. Que le diable emporte les tailleurs, la colle et tous les collants du monde. J’ai un mal de cœur hideux. J’ose à peine t’embrasser. Jour mon Toto, soir pa, soir man. Baisez-moi tout de même et aimez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 65-66
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « projettée ».
b) « Je la regretterais ».
c) « marsoin ».
d) « pus ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne