Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1840 > Avril > 15

15 avril [1840], mercredi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon cher, cher bien-aimé. Bonjour je t’aime. Pourquoi n’es-tu pas venu cette nuit, mon pauvre amour ? Il me semble que ton volume [1] est fini et c’est bien le moins que tu te reposesa quelques heures. Aussi demain je ne vous fais pas grâce, il faut absolument que vous DÉJEUNIEZ avec moi, il y a assez longtemps que nous JEUNONS. Quel beau temps, mon Toto, et qu’une petite culotte sous les marronniers [2] nous irait bien. J’ai cependant bien mal aux pieds mais pour sortir avec toi j’irai à quatre pattes ou sur la tête, témoin hier. Ce matin je ne peux plus poser les pieds par terre, j’ai été forcée de mettre les fameux brodequins de flanelle mais je serais bientôt guérie si nous devions sortir ensemble. J’ai reçu une lettre de Claire ce matin, ce sont toujours les mêmes protestations et toujours très peu tenues, enfin je suis découragée et je n’ose plus espérer. Que tu es heureux mon Toto tu as quatre enfants ravissantsb, moi je n’ai qu’une fille qui me donne tout le chagrin possible, c’est si vrai que je n’en parle même jamais pour ne pas montrer l’amertume que j’ai à ce sujet.
Je voudrais te voir, mon Toto, j’ai besoin de te voir, je voudrais baiser tes chèresc petites mains blanches. Je t’aime. Si tu ne me fais pas sortir aujourd’hui il est probable que je verrai le Manière ce qui me sourit médiocrement. Je travaillerai aussi et je te désirerai de toutes mes forces et de toute mon âme. Jour Toto, jour mon petit Toto, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 41-42
Transcription de Chantal Brière

a) « repose ».
b) « ravissans ».
c) « chers ».


15 avril [1840], mercredi soir, 5 h. ¾

Vous vous êtes bien vite éclipsé, mon adoré, à peine si j’en ai eu plein mon œil que vous étiez déjà loin. J’espère que si vous avez fini vous viendrez me chercher consciencieusement ? À propos vous n’aviez pas payéa la mercerie à Mme Pierceau l’autre soir et moi je croyais que vous l’aviez payée de sorte que je n’en parlais pas à Mme Pierceau. Heureusement qu’elle me l’a dit et que je lui ai restitué tout de suite SA pauvre argent. Je voudrais déjà que ce pauvre jeune homme eût sa place, il me semble impossible qu’il ne l’ait pas, tu portes bonheur à tous ceux qui t’approchent, tu es un pauvre ange adoré. Je baise tes chers petits pieds. Quelle surprise, quelle joie, quel BONHEUR !!!!....b si tu venais me chercher pour faire une orgie échevelée quoique ce soit la semaine Sainte, je croirais ne pas pécher si tu me donnais cette fête. Quel bonheur j’aurai mes épreuves [3]. Je ne t’en ferai pas grâce d’abord, ainsi il faut me les chercher toutes et me les mettre de côté parce que je les veux, je les veux, je les veux. Je veux votre amour aussi et de toutes mes forces, et de tout mon cœur, et de toute mon âme, je vous donne encore le mien sans regarder trop heureuse si vous daignez le prendre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 43-44
Transcription de Chantal Brière

a) « payer ».
b) Quatre points d’exclamation et quatre points de suspension courent jusqu’au bout de la ligne.

Notes

[1Il s’agit du recueil Les Rayons et les ombres.

[2Les Marronniers est un restaurant de Bercy réputé.

[3Il s’agit des épreuves du recueil Les Rayons et les ombres.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne