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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 avril [1840], mardi, midi

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour mon amour, bonjour je t’aime de toute mon âme. Le Manière venait de venir lorsque je me suis levée. Dans son ardeur impatiente il avait devancé l’heure. Bonne chance mais je suis comme toi frappée de l’aveuglement de ce pauvre Manière qui s’imagine que les places de mille écus tombent à point nomméa toutes rôties dans son hideux bec. Enfin te voilà délivré pour longtemps d’une persécution du même genre car je ne le lui laisserai pas ignorer la première fois que je le verrai (et il a dit qu’il viendrait tantôt ou demain) que tu ne peux pas recommencer tous les jours ce genre d’exercice et que, quant au préfet, c’est fini pour toujours.
J’ai passé une heure tout à l’heure à m’arranger les pieds. J’en souffre horriblement, je ne sais plus qu’y faire, j’ai mis des bas de coton mais cela ne m’empêche pas de souffrir. Cependant si tu veux me faire sortir avec toi tantôt j’irai, fût-ceb sur la tête, je vais même me dépêcher de me coiffer, de déjeuner et de m’habiller pour que tu sois tenté de m’emmener avec toi. Jour Toto, je t’aime mon amour. Je t’adore mon ravissant Toto. Je t’aime plus que jamais. Je t’aime mieux que jamais, je t’aime, je t’aime, je t’aime. Il fait bien beau aujourd’hui et si tu viens me chercher je serai bien joyeuse. Je crois que la pauvre petite bête de bon Dieu est morte, elle ne bouge pas même au soleil ; enfin j’aurai fait ce que j’ai pu et je n’ai pas cette mort sur la conscience. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 37-38
Transcription de Chantal Brière

a) « nommés ».
b) « fusse ».


14 avril [1840], mardi soir, 6 h. ¾

Vous n’êtes pas revenu me chercher affreux homme que vous êtes, j’aurais cependant été bien heureuse de clopiner à votre bras à l’air et au soleil, tenez vous êtes un vieux blagueur que j’aime trop pour mes péchés.
Je n’ai pas revu le Manière et j’aime autant ça, j’ai travailléa comme un chien et j’ai enfin fini ma chemise y compris les fioritures dont je l’ai surchargée. C’est au tour de l’autre à présent ; baisez-moi vieux Toto et repentez-vous de me laisser toujours seule dans mon pauvre coin. Je voudrais savoir si vous avez aussi fini votre volume [1] ? Vous deviez le finir hier et me donner une petite culotte… mais hélas ! hier est passé et aujourd’hui et je ne vois luire aucune culotte à l’horizon. Combien comme celle-ci seb sont éclipséesc avant d’avoir montré le bout de leur nez ? – Hélas !!!!!!!d
Tout ça n’empêche pas que je vous aime et que je vous adore parce que je suis incorrigible et que plus je vieillirai et plus je serai enragée de vous ; c’est consolant, n’est-ce pas ? À propos de consolation j’ai envoyé chercher votre vinaigre et le mien, c’est encore une brèche à notre caisse, et puis j’ai payé le loyer PHAME ! Enfin toute la grosse somme que vous m’avez donnéee tantôt y a passé. Mais j’ai de l’argent de reste de celui que tu m’as donné avant-hier ainsi repose-toi et viens déjeuner avec ta Juju qui t’aime et qui t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 39-40
Transcription de Chantal Brière

a) « travailler ».
b) « ce ».
c) « éclipsée ».
d) Sept points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.
e) « donné ».

Notes

[1Il s’agit du recueil Les Rayons et les ombres.

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