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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 novembre [1837], samedi matin, 11 h. ½

Bonjour mon adoré petit homme. J’ai des nouvelles bien tristes à t’apprendre. J’ai reçu ce matin une lettre que j’ai ouverte tout de suite, me doutant qu’elle venait de la part de mon père [1] et en effet c’était la femme qu’il avait avec lui qui m’écrit qu’il est au plus mal et que j’aille à le voir aujourd’hui samedi. Quoique prévenue de la position de ce vieux homme hier au soir, j’en suis malade aujourd’hui car je prévois que le danger est malheureusement trop réel pour être combattu à son âge [2], ce qui m’inquiète et m’afflige tant. Mme Krafft ne va pas mieux. Au contraire, elle a eu une crise avant-hier où on l’a crue morte. Toutes ces affreuses nouvelles me bouleversent. Je ne sais plus ce que je fais ni ce que je dis. Je ne sens qu’une chose, c’est que je t’aime de toute mon âme et que si tu étais malade j’en perdrais la tête. Je ne peux même pas y penser. Pauvre adoré je vis dans toi bien plus que dans moi, c’est bien vrai mon Dieu. J’ai besoin de te voir pour reprendre un peu de courage. Il faudra que tu t’arranges pour me mener voir ce pauvre homme qui m’a servi de père et dont toutes les bontés passées me reviennent au cœur comme si c’était d’hier seulement. Toi et lui, voilà les deux seuls hommes qui m’ayez vraiment aimée avec dévouement. Mais toi surtout mon bien-aimé, toi tu as dépassé tout le cœur humain aussi je te vénère autant que je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 93-94
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein


25 novembre [1837], samedi soir, 9 h. ¾

Comme à travers toute ta méchanceté tu es le meilleur et le plus charmant des hommes, il faut bien que je t’aime, et c’est ce que je fais du plus profond de mon cœur. Si tu pouvais voir dans mon âme comme je t’aime, tu serais bien fier et bien rassuré. Mais tu n’as pas besoin de cela pour en être bien sûr, n’est-ce pas ? Tout ce que je dis, tout ce que je fais te le prouve, il n’y a rien je l’espère dans mes manières qui soit en contradiction avec ce que je sens de toutes les forces de mon âme.
Nous irons demain voir ce pauvre bonhomme [3]. Peut-être sera-t-il mieux et alors je reviendrai plus tranquille et plus gaie et toi aussi car tu es si bon que tu t’associes à tous mes petits chagrins. Nous tâcherons d’aller lundi ou mardi voir Claire parce que c’est nécessaire. Enfin nous ferons tous nos petits devoirs avec conscience pour être ensuite bien tranquilles et bien heureux, n’est-ce pas mon cher petit homme ? Jour. Depuis que j’ai commencé ma lettre je ne fais qu’éternuer sans avoir le moindre Dieu vous bénisse ce qui prouve que les lutins se soucient peu de me bénir au nom du père et du fils ainsi soit-il pourvu que tu m’aimes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 95-96
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

Notes

[1René-Henry Drouet, son oncle qu’elle considère comme son père parce qu’il l’a recueillie orpheline et en partie élevée. La femme qui vit avec lui est une certaine dame Godefroy.

[2Il vivra cependant jusqu’en 1842.

[3René-Henry Drouet, son oncle qu’elle considère comme son père, est gravement malade (voir la lettre du matin).

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