Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1840 > Mars > 10

10 mars 1840

10 mars [1840], mardi après-midi, 1 h. ¼

Bonjour mon Toto chéri. Bonjour mon cher petit bien-aimé. Bonjour je t’aime, comment que ça va ? Vous n’êtes pas revenu fourrer votre nez où vous aviez à fairea cette nuit. Mais je vous dirai pour nouvelle que rien de nouveau n’a paru depuis hier et que je suis la plus inexplicable des femmes au physiqueb seulement, et seulement aussi depuis hier. À propos d’hier, vous m’avez joliment arrangé ma brosse à dents, il est impossible de s’en servir à présent. Voime, voime, vous êtes très gentil. Vous me ruinez, vous me mangez toutes mes affaires, vous me coûtez les yeux de la tête, etc., et si vous croyez que c’est là ce qui rend une femme heureuse ? Encore si vous me baisiez à discrétion mais non, vous me mettez à la portion d’hôpital : diète absolue ou si peu de chose que ça ne vaut pas la peine d’en parler. À propos je vous dirai une idée que j’ai sur ce qui m’est arrivé hier. Je la crois très fondée. Je vous dirai cela si vous venez tout à l’heure. Baisez-moi toujours en désir et en pensée puisque vous ne voulez pas le faire en nature et en action. Vous êtes mon Toto. Toutes vos tisanesc sont faites, tout est prêt et je suis débarbouillée. Je vais déjeuner. Après vous serez bien gentil si vous me faites sortir, mais il suffit que je vous le demande pour que vous ne le veuillezd pas. Baisez-moi toujours, je ne vous en veux pas ainsi c’est l’important. Faites ce que vous voudrez, vous serez toujours mon bon petit homme chéri que j’aime et que j’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 252-253
Transcription de Chantal Brière

a) « affaire ».
b) « phisique ».
c) « tisannes ».
d) « veuilliez ».


10 mars [1840], mardi soir, 5 h. ½

Pas encore venu, mon petit homme, qu’est-ce donc qui vous arrive ? Je suis bien impatiente et bien désireuse de vous voir et de vous embrasser. Est-ce qu’il me faudra attendre encore bien longtemps ? J’ai à peine du bois pour passer ma soirée, si vous étiez venu peut-être m’auriez-vous menée chez la mère Pierceau ce qui m’aurait économisé mes deux pauvres bûches pour demain. Mais vous ne savez rien faire qui aita le sens commun pas même de me baiser. Je vous défie de me donner la preuve du contraire, tout de suite EX ABRUPTOb. Plus que ça de latin, on voit bien que je fréquente les candidats innommés de la cacadémie [1]. Dieu sait s’il fait un froid de chien aujourd’hui juste parce que je n’ai pas de bois, ça n’est-il pas guignonnant ? Après ça je suis sûre qu’il fait moins froid dehors que dedans les maisons. Baisez-moi donc vieux vilain et ne me tournez pas les talons plus longtemps. Pensez à revenir bien vite. Voici bientôt la nuit et je dînerai très mal s’il faut que je ne vous ai pas vu d’ici là. J’ai le cœur gros et triste quoique je fasse toutes sortes de grimaces pour le cacher. Je vous aime, mon Toto, et vous comprenez que ma joie c’est de vous voir et mon malheur votre absence. Revenez donc bien vite si vous m’aimez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 254-255
Transcription de Chantal Brière

a) « est ».
b) « EX ABRUTO ».

Notes

[1Victor Hugo, candidat à l’Académie française en février 1840, n’a pas été élu.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne