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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 4 octobre 1852, lundi matin 8 h. ½

Bonjour, mon ineffable bien-aimé, bonjour avec toutes les tendresses de mon âme, bonjour. Tu as été adorablement bon hier, mon pauvre cher adoré, et je ne me suis jamais méprise un moment sur ton intention. Seulement je persiste à croire que tu te trompes sur le caractère et les sentiments de cette fille [1] et que, bien loin d’apprécier ta mansuétude et tes procédés bienveillants envers elle, elle s’en autorise au contraire, comme une méchante bête qu’elle est, pour me manquer de respect avec plus d’impudence encore. C’est si vrai que depuis hier au soir il m’a été impossible de rien obtenir de cette créature qui ait le sens commun. J’ai été vingt fois tentée d’ouvrir la ceinture et de la payer sans plus attendre, au risque des conséquences que cela pourrait avoir pour nous. Cette fille a depuis si longtemps tant abusé de cette fausse position que j’avais vis-à-vis d’elle, que je lui en garde une rancune involontaire qui me fait beaucoup souffrir par momentsa. Je ne te le dis qu’à de longs intervalles pour ne pas t’en ennuyerb mais je t’assure que, si tu pouvais voir de près ce qu’est cette fille et la médiocrité de son service, loin de la défendre, tu serais le premier à exiger que je la renvoie. Tout cela, mon cher petit homme, n’empêche pas que tu ne sois le meilleur des hommes et que je ne t’aime avec tout mon cœur et toute mon âme et que je ne sois bien profondément reconnaissante de la peine que tu prends pour m’épargner les ennuis de ma position. Merci, mon Victor. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 13-14
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « par moment ».
b) « ennuier ».


Jersey, 4 octobre 1852, lundi matin, 10 h. ¾

Que dis-tu de ce temps et de cette mer, mon cher petit homme ? Quant à moi, je vois avec chagrin que cela t’a empêché de venir ce matin et que cela t’empêchera de venir trop souvent dans l’avenir. Si je n’avais pas ce regret et cette crainte, j’admirerais cet ouragan avec un peu plus de sympathie et je m’amuserais à voir écumer cette brave mer comme si elle était vraiment furieuse.
11 h. ¼
Bénia sois-tu, mon pauvre adoré, pour cette courte apparition par cette tempête effroyable. Pauvre cher adoré, je voudrais te faire une enveloppe imperméable de mon âme. Pourvu que tu ne t’enrhumes pas. Depuis que tu es sorti de la maison, on dirait que la pluie a repris avec une nouvelle rage. Décidément il faut que tu t’achètes au plus tôt tout un fourniment en caoutchouc. Une fois que tu seras pourvu de cette carapace, je pourrai te désirer sans remords, mais jusque-là je me fais un véritable crime de t’encourager à venir me voir. Mon petit homme bien-aimé, il faut tâcher de me donner de la besogne amusante le plus tôt possible car je sens que je vais en avoir besoin pendant cette saison pluvieuse. Aujourd’hui je vais copier ce document, mais cela ne peut pas compter pour un travail amusant. Ce qu’il me faut c’est vous en ORIGINAL. Je ne suis pas difficile comme vous voyez.

BnF, Mss, NAF 16372, f. 15-16
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « bénis ».

Notes

[1Cette fille désigne probablement Suzanne la servante de Juliette.

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