13 mars 1881

Paris, 13 mars 1881, dimanche midi

Cher bien-aimé, il m’a semblé que ton sommeil a été très agité cette nuit car je t’ai entendu plusieurs fois parler tout haut sans pouvoir, toutefois^a, comprendre ce que tu disais. Il est probable que la mort du pauvre Pelleport [1] s’y sera mêlée comme cela s’est fait pour moi qui en ai rêvé une partie de la nuit. Pauvre aimable et excellent garçon, sa disparition inattendue^b laissera de vifs regrets dans le cœur de tout ceux qui l’ont connu et qui ont pu apprécier sa loyale nature toujours inoffensive et toujours dévouée au bien, au bon, au juste et à la vérité ! C’est une véritable perte pour ses amis et pour sa pauvre mère qu’il adorait et dont il était adoré ; on n’ose pas penser à cette douleur sans consolation possible. Cher adoré bien-aimé, il m’est doux de payer avec toi le tribut de vrais regrets que mérite la perte de cet honnête et vaillant jeune homme qui nous aimait tant. J’espère que son âme en perçoit quelque chose et qu’elle y est sensible. C’est une manière pour moi de t’aimer encore plus si c’est possible. Que Dieu te garde de tout mal, mon grand bien-aimé, et qu’il me laisse vivre autant que toi.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16402, f. 50
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « toute fois ».
b) « inatendue ».