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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 septembre [1841], mardi après-midi, 3 h.

Oui vous m’avez bien rabrouée tout à l’heure, mon adoré, et cela vous est si peu habituel d’être brusque et méchant que j’en suis toute effarouchée et consternée chaque fois que cela vous arrive. Cependant, comme cela vous donne l’occasion d’être aussitôt après votre méchanceté si bon et si tendre et si charmant que, bien loin de la regretter, votre méchanceté, et de m’en plaindre, je la bénis et je la désire plus souvent. Voilà à quoi aboutit votre férocité. Je n’en suis pas fâchée, ne fût-cea que pour vous donnerb 33 centimètresc de pifd.
À propos, vous avez oublié de me donner ce que vous voulez que je copie, de sorte que je n’ose pas prendre sur moi de commencer au hasard [1]. J’ai fait acheter du papier tout à l’heure car vous ne m’en aviez pas laissé un seul petit morceau. Je ne pourrai pas envoyer avant une heure Suzanne chez l’huissier, car toutes les allées et venues du marché et de Lambin sont causes qu’elle commence seulement à faire le ménage à présent. J’espère au reste que cela ne te contrarierae pas et que la lettre n’a pas besoin d’être remise à une heure INDIQUÉE PAR LA LOI [2] ?
Vous venez de me jeter une fameuse dragée dans ma geule en me faisant espérer d’aller chercher mon passeport demain. Peut-être n’est-ce qu’une fausse praline sans le moindre voyage dedans mais le dessus est déjà joliment doux au cœur et je la lèche avec confiance jusqu’à ce [que] l’affreuse ou la ravissante réalité se fasse sentir [3]. Je sens que je suis bête comme une oie et que je vous aime comme un éléphant, lourdement mais de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 237-238
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « fusse ».
b) « donne ».
c) « centimètre ».
d) « piffe ».
e) « contrarieras ».

Notes

[1Ces derniers mois, Victor Hugo s’est consacré à la rédaction du Rhin et il vient d’achever son travail, moins la Conclusion et la Préface. La veille, Juliette a commencé la copie de la lettre XXIII du Tome 2, « Mayence ».

[2Peut-il s’agir de la lettre adressée à M. Rampin, l’un des banquiers de Hugo, datée du 21 septembre 1841 ? « À Monsieur Rampin. / Ce mardi, / M. Plon, que j’ai vu hier, Monsieur, s’est chargé de vous dire ce dont j’avais à vous entretenir. Je ferai ce que vous voudrez. La totalité des deux volumes est livrée, et peut paraître immédiatement, si vous le souhaitez. / Soyez assez bon pour me faire savoir, par un mot à la poste, ce que vous aurez résolu ainsi que MM. vos associés. / Agréez, je vous prie, la nouvelle assurance de mes sentiments les plus affectueux et les plus distingués. / Victor Hugo » (Correspondance, Tome IV [années 1874-1885, addendum], Paris, Imprimerie nationale, Albin Michel, Ollendorff, 1952, p. 178).

[3Depuis 1834, le couple a pris l’habitude d’effectuer un voyage de quelques semaines ou mois pendant l’été et le printemps, mais en 1841, Hugo est trop occupé par la rédaction et la publication du Rhin.

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