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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 27 décembre 1860, jeudi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme bien-aimé. Bonjour, comment as-tu dormi dans ton grandissime lit et comment se trouve ta pauvre gorge de ton changement de logis [1] ? Enfin, mon doux adoré, te sens-tu tout-à-fait bien ce matin ? Voilà ce que je désire savoir et ce que je voudrais qui fût quand je devrais le payer un an et plus de ma propre santé. Cher adoré, si les paroles et les mots avaient les sons et la forme de l’âme, les miens résonneraient à ton oreille comme la plus douce musique et rayonneraient à tes yeux comme autant d’étoiles et de soleils, au lieu de t’apparaître sous la forme de grimoire inintelligible et de pattes de mouche épileptiques. Et pourtant Dieu sait si je t’aime, mon ineffable adoré ! Dieu sait combien j’ai besoin d’épancher le trop-plein de ma reconnaissance pour tout ce que tu fais pour moi et pour la mémoire en ce monde de mon ange de là-haut [2]. Je voudrais répandre mon cœur sous tes pieds. Je voudrais t’enlever jusqu’au ciel, je voudrais mourir pour toi et pour toutes ces aspirations je ne trouve que ce seul mot : Je t’aime, je t’aime, je t’aime, toute ma vie est là. Je t’aime, je t’aime.

Librairie Laurent Collet (février 2018)
Transcription de Florence Naugrette

Notes

[1Depuis le 13 décembre, Hugo souffre du larynx. Après une accalmie, la crise a repris. Il note le même jour dans son Carnet : « Nuit du 26 au 27. J’ai quitté le look-out et couché pour la première fois dans le grand lit de la galerie de chêne. Nuit horrible. Insomnie. Fièvre. Entre 3 et 5 h. de la nuit je me suis assoupi. » Le mois suivant, sur les conseils du médecin Corbin, il se laissera pousser la barbe pour protéger sa gorge du froid.

[2Claire Pradier, la fille de Juliette Drouet et du sculpteur James Pradier, est morte de la tuberculose le 21 juin 1846. Victor Hugo a remplacé le père souvent défaillant dans son éducation, en lui prodiguant son affection. Dans son Carnet, Hugo, qui, le 10 décembre, a donné à Juliette ses dessins Gallia (le coq) et Saint-Paul note, le 27 décembre : « J’ai dessiné et peint pour JJ les trois cadres de Claire, du Coq et de Saint-Paul. »

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