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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 juillet [1841], vendredi matin, 10 h. ½

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher petit homme, bonjour mon Toto chéri. Voilà encore que tu ne viens plus le matin, méchant Toto, et voilà que je vais recommencer à grogner parce que je ne peux pas me passer de vous sans être très malheureuse. Mais vous êtes un monstre qui ne sentez rien de tout cela ; pour vous punir je devrais ne plus vous aimer, oui mais c’est que pour cela il faudrait me faire trop de mal. Encore, je crois que je n’y parviendrais pas même en m’arrachant le cœur. Pour me consoler je vais copier vos ours [1]. Je vais même commencer tout de suite et je finirai tantôt [2]. Il est possible que je prenne un bain ce soir car il y a plus d’un mois que je n’en ai pris et tous ces nettoyagesa successifs m’ont salieb plus que de raison.
Jour Toto, jour mon cher petit o. Je ne sais pas si Mlle Hureau viendra aujourd’hui, dans tous les cas nous sommes en mesure pour la recevoir grâce à toi, mon pauvre adoré [3]. Tu es mon pauvre petit bien-aimé que j’aime de toute mon âme. Je baise tes chers petits pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 55-56
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « nétoyages ».
b) « sali ».


16 juillet [1841], vendredi soir, 6 h. ¼

Je t’ai si peu vu, mon amour, que j’en suis toute désappointée. Il me semble que tu aurais pu prendre le temps de m’embrasser et je te trouve bien frisé pour un homme qui n’a pas le temps de prendre ni de donner un baiser à la femme qui l’aime. Je ne sais pas ce que cela veut dire mais je n’en suis pas très charmée. En attendant que tu reviennes, mon amour, je vais me mettre au bain. Il y a bien plus d’un mois que je n’en ai pris un et j’en ai le plus grand besoin.
J’ai copié environ la moitié de ton manuscrit, j’en suis restée à Aristote est dépassé, Homère ne l’est pas [4]. Si j’avais osé j’aurais mis sous cette opinion la mienne formulée ainsi : PEUT-ÊTRE. Après tout d’autres le diront à ma place en vous lisant et avec plus d’autorité que moi car je sais que vous me considérez comme un être stupide qui ne sait pas un mot de grec et de latin : peut-être [5].
Vous avez fait mine de vouloir douter de la sincérité du cadeau de Mme Guérard mais, mon cher bien-aimé, je désire que toutes vos actions soient aussi sincères et aussi honnêtes que les miennes. Je vous assure que je serais plus tranquille et plus heureuse que je ne le suis. Je t’aime, mon Victor adoré, et toutes les merveilles du monde ne me feraient pas te dire un mot qui ne soit pas la sainte vérité. Je t’aime, mon Victor.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 57-58
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Les ours que Juliette mentionne ici sont ceux que le poète prétend avoir rencontrés dans la première partie de « De Lorch à Bingen ». Un ours est aussi un brouillon, une ébauche. Il y a donc peut-être ici jeu de mots volontaire.

[2À ce moment, Victor Hugo est en pleine rédaction des lettres de voyage du Rhin et les ours que Juliette mentionne ici sont ceux que le poète prétend avoir rencontrés dans la première partie de la lettre XX du Tome II, « De Lorch à Bingen ».

[3À élucider. Il semblerait néanmoins que la maîtresse d’école souhaite s’entretenir avec Juliette d’une affaire plutôt grave concernant le pensionnat de Saint-Mandé où Claire est scolarisée depuis 1836. Ce « malheur » est peut-être lié au renvoi de l’instituteur Buessard (voir les lettres du 12, 15 juillet et du 26, 27, 29 et 30 août).

[4Il s’agit de la première partie de la lettre XX du tome II, « De Lorch à Bingen ».

[5Juliette cite-t-elle ici le dernier mot du personnage de Térésa ‒ et du drame Térésa de Dumas et Bourgeois – qu’elle a joué en juillet 1832 : « Peut-être. » ?

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