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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 mars 1841

26 mars [1841], vendredi matin, [10  ?] h. ½

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon cher bien-aimé. Tu ne veux donc pas que je sois triste, mon adoré ? Tu ne veux pas que je m’aperçoivea de ton absence ? Ce sont des prétentions auxquellesb je ne peux pas faire droit parce qu’à l’impossible nul n’est tenu, pas même une pauvre vieille Juju comme moi. Tout ce que je peux essayerc de faire c’est de cacher ma tristesse devant toi. Si je n’y réussis pas autant qu’il le faudrait, je te prie, mon Toto, de ne pas t’en occuper et de ne pas chercher midi à quatorze heures d’une chose toute naturelle quand on aime comme je t’aime et qu’on voit si peu que moi l’homme qu’on attend et qu’on désire.
Jour mon Toto, jour mon petit o. Il fait encore un temps bien ravissant aujourd’hui, mon Toto chéri. Je serai bien contente si tu peux me faire sortir ce soir comme hier. En attendant, je baise ta belle petite bouche et je vous prie de m’être très fidèle et de ne pas regarder aux croisées [1]. Que je vous y prenne, pôlisson, et vous verrez 36 chandelles.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16344, f. 283-284
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « apperçoive ».
b) « auquelles ».
c) « d’esseyer ».


26 mars [1841], vendredi soir, 3 h. ½

Je vais finir d’ourler tes mouchoirs, mon cher adoré, et puis on les lavera et je te les donnerai. Je voudrais bien savoir si tu as vu ton tailleur et ce qu’il pense de ton affreux dos [2]. J’ai bien peur que ce soit irrémédiable. C’est dommage car l’étoffe était belle. Enfin, il vaut mieux encore ce malheur-là qu’une jambe cassée, fût-cea la mienne qui ne me sert pas souvent. J’ai reçu une lettre de Claire qui me demande toutes sortes de choses pour Pâques, tellesb que brodequins et arrangement de la robe d’uniforme. J’y répondrai ce soir ou demain. Il faudra aussi que j’écrive à Jourdain et au propriétaire [3].
Mon Dieu quel beau temps, on le mangerait tout cru. Je vous aime Toto, mettez cela dans votre chère petitec boule et tâchez de venir bientôt. Jour Toto.
Peut-être prendrai-je un bain tantôt, je souffre toujours des reins et du bas-ventre. Quelle joie et queld bonheur inattenduse si, par impossible, tu venais me chercher tout à l’heure pour aller aux Marronniersf [4]. Hélas ! hélas ! hélas ! peu probable, aussi je renfonce ma joie dans le fin fond de mon cœur car elle ne servira pas d’ici à longtemps au train dont vont les choses.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16344, f. 285-286
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « fusse ».
b) « tel ».
c) « petit ».
d) « quelle ».
e) « innatendu ».
f) « Maronniers ».

Notes

[1Juliette le mentionne à de nombreuses reprises, Hugo, grand marcheur, aime observer les fenêtres le soir ou la nuit lorsqu’il se promène dans la rue, dans le but d’apercevoir des silhouettes de femmes (voir les lettres du 13 mars et du 29 avril 1841). Il agit aussi de la sorte avec Juliette qu’il épie parfois de l’extérieur lorsqu’elle a allumé ses bougies.

[2Depuis quinze jours, Juliette a emprunté à son amie Laure Krafft une robe de chambre qui sert de modèle à l’ouvrière Pauline afin d’en tailler une neuve pour Hugo. Malheureusement, elle se plaint souvent de la fainéantise et de l’inefficacité de celle qu’elle surnomme Penaillon, et elle a raison puisqu’elle se plaint le samedi 19 mars au soir de « l’inexactitude de l’assemblage du corsage » et du fait « que l’un de ses dos était de deux pouces plus haut l’un que l’autre » Elle espère que ce sera rattrapable et déplore donc le fait d’avoir insisté pour s’en occuper alors que le tailleur de Hugo semblait être plus compétent pour cela (voir la lettre du 24 mars).

[3Juliette vit à cette époque au 14 de la rue Sainte-Anastase, dans un appartement loué par Hugo, depuis mars 1836.

[4Les Marronniers sont un restaurant célèbre de Bercy.

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