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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 mars 1838

25 mars [1838], dimanche matin, 10 h.

Vous n’êtes pas revenu, méchant petit homme, pourquoi ça puisque vous me l’aviez bien promis ? Je me suis réveillée à l’heure à peu près où vous avez coutume de venir, quand vous venez, mais j’en ai été pour ma peine. Vous avez mal fait, mon petit homme, de ne pas venir cette nuit parce que je vous aurais bien câliné et bien dorlotéa et que vous auriez fait de moi tout ce que vous auriez voulu. Cependant je ne me dédis pas pour une autre foisb pourvu qu’elle soit très prochaine. En attendant je vais bien penser à vous, bien vous désirer et bien vous aimer. C’est ce soir que je vais revoir ma belle Tisbe, il me semble toujours quand je vois Marion et la Tisbe que c’est moi qui suis en scène tant ces deux femmes ont de ressemblance avec moi. Je le dis sans fatuité car je ne parle que de leur malheur et de leur amour. Je t’aime comme elles aiment leur Rodolfo et leur Didier, plus encore. Je t’aime, mon Toto, mieux qu’avec de belles paroles, je t’aime avec l’âme et le cœur et je ne connais pas d’équivalent qui puisse te donner l’idée de la grandeur de mon amour.
J’attends Mme Pierceau à dîner aujourd’hui. Si elle ne vient ou si elle ne veut pas aller à Angelo, j’emmènerai Suzette avec moi car sous aucun prétexte je ne veux manquer ma soirée. J’ai toujours mal à la gorge et à la tête, c’est le printemps sans doute. Je voudrais bien vous voir, mon Toto, j’aimerais à vous baiser ce matin sous toutes les coutures. Je vous adore, mon Toto, vous êtes toujours le plus grand et le plus beau des hommes. Si je ne craignais pas de vous ennuyerc en ne vous disant que cela, je le ferais car je n’ai pas autre chose à mon service que mon amour pour vous. Jour mon petit o, jour mon gros To. Je ne sais pas si vous pensez à moi mais je sais que je vous aime furieusement et que je vous désire comme une femme qui ne vous a pas vu depuis hier soir, ce qui est bien plus d’un siècle. Si vous êtes bien gentil, vous viendrez tout de suite, vous déjeunerez avec moi et vous ne vous en irez pas après. Mais vous ne ferez pas cela, il n’y a pas de danger, vous ne m’aimez pas assez pour ça. Tâchez au moins de ne pas me laisser toute la journée seule. C’est si triste quand je ne vous vois pas. Oh ! Oui, mon Toto, la journée est bien longue et bien lourde quand tu ne viens pas. Je t’attends, je t’aime et je t’adore. À bientôt, pense à moi toujours.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 182
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « dorlotté ».
b) « autrefois ».
c) « ennuier ».

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