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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 mars 1841

6 mars [1841], samedi après-midi, 1 h. ½


Bonjour mon cher Toto adoré, bonjour mon bien-aimé petit homme. Comment vas-tu, mon pauvre amour. Le bain de pied prolongé de cette nuit ne t’a pas fait de mal ? Pourquoi n’es-tu pas venu ce matin, mon chéri, mettre tes bottes neuves et faire raccommodera ton pantalon ? Il est probable, scélérat, que vous mettez les petites beuttes aujourd’hui et le beau pantalon gris ? C’est pour cela que vous n’êtes pas venu bien sûr. Voime, voime, vous êtes fort aimable et fort amusant, surtout de minuit à 3 h. du matin quand vous furetez dans toutes les vieilles blagues de ces vieux morts stupides [1]. Oh ! je suis une femme très heureuse ! Voime, voime, QUEL BONHEUR !!! Jour Toto, jour mon petit o.
C’est ce matin que j’écris à tout mon monde, je ne t’attendrai pas pour faire mettre tout ça à la poste. QUEL MALHEUR !!! Je vous dis que vous êtes une bête et voilà tout. Sur ce, baisez-moi et tâchez de varier un peu vos mystifications, je veux dire MES PLAISIRS, pardon je me trompe. Ça commence à devenir monotone et fastidieux, d’absurde et de grotesque que ça était. Baisez-moi toujours. Je vous aime, je vous adore. Je vous embête mais ça n’est pas ma faute, pourquoi vous faites-vous aimer tant que ça.

Juliette


BnF, Mss, NAF 16344, f. 213-214
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « racommoder ».


6 mars [1841], samedi soir, 6 h. ¼


J’aurais mauvaise grâce, mon amour, à me plaindre de vos éclipses continuelles quand je suis sûre que vous travaillez comme un pauvre chien. Aussi je ne me plaindrai pas, je ne grognerai pas mais je vous désirerai et je vous aimerai de toute mon âme.
Je crois, mon cher bien-aimé, que tu oublies ce pauvre Harel ? Il serait bon cependant que tu lui répondissesa quelques mots. Ce sera une bonne action digne de toi et cela lui fera plaisir à ce pauvre scélérat, y compris la grosse George [2]. Ce que je t’en dis, c’est parce que je suppose que tu oublies que tu as eu l’intention de répondre à la lettre soumise et repentante de ce hideux Harel [3]. Maintenant, ma conscience est en repos, ça ne me regarde plus. Jour Toto, jour mon petit o.
Vous étiez bien fringantb tout à l’heure, mon cher adoré. Dieu sait de combien de trahisonsc je suis la victime, mais prenez garde que j’en découvre la queue d’une car je vous en ferais voir de cruelles.
Voici le beau temps venu, je veux que vous me fassiez sortir absolument ou je me fâcherai tout rouge. Je ne peux pas passer ma vie accroupie auprès de mon feu, ça n’est ni juste, ni hygiénique, ni possible. Entendez-vous ça, monsieur le freluquet. Baisez-moi et venez bien vite auprès de moi.

Juliette


BnF, Mss, NAF 16344, f. 215-216
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « répondisse ».
b) « fringuant ».
c) « trahison ».

Notes

[1Victor Hugo a été élu à l’Académie française le 8 janvier précédent et sa réception officielle, à l’occasion de laquelle il doit préparer un discours, est prévue pour le 3 juin. C’est la raison pour laquelle, depuis la veille, il prend des notes dans les œuvres compilant les discours ou interventions des différents présidents de l’Académie (voir la lettre du 5 mars).

[2Mlle Georges.

[3À élucider. Harel est alors dans une situation des plus précaires suite à son dépôt de bilan à la Porte-Saint-Martin en mars 1840.

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