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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 juillet 1836

31 juillet [1836], dimanche après-midi, 3 h.

Cher bijou il y a [à] peine un quart d’heure que j’ai déjeuné tant j’ai eu à piocher pour faire ces vilaines toiles de matelas. Grâce au ciel les voilà bien raccommodéesa. Je n’ai plus qu’à me débarbouiller et à m’habiller pour être prête à sortir si tu viens me chercher.
Que tu as bien fait mon amour de venir passer la nuit avec moi et que vous auriez mieux fait encore si vous étiez resté toute la journée. Et que vous ferez extrêmement bien mieux si vous venez me prendre pour faire une effroyable ORGIE. Je vous avoueraib que j’en DOUTE au risque de jurer devant la REINE [1]. Ce qui fait que je n’ai pas le cœur content du tout, et que je me cartonne [2] indéfiniment.
Je vous aime assez, je vous aime trop. Je suis sale comme un pauvre chien qui aurait eu un tas de cure-dents à [emplir  ?] toute la semaine. Encore si j’avais des rubans, mais je n’ai pas même la plus petite ficelle pour me faire belle, ce qui fait que je suis laide que je vous aime et que je BISQUE.

Juliette

BNF, Mss, NAF 16327, f. 202-203
Transcription de Nicole Savy

a) « racommodées ».
b) « avourai ».


31 juillet [1836], dimanche soir, 6 h. ¼

Vous m’avez manqué de parole mon cher petit homme. J’avais eu la naïveté de croire que vous vouliez pour tout de bon dîner avec moi. Je suis bien attrapée allez, non pas pour le dîner mais c’est que j’aurais été avec vous toute la soirée au lieu de rester toute seule comme une pauvre bête oubliée. Je ne vous en veux pas cependant parce qu’enfin il n’y a peut-être pas de votre faute, mais je vous aime mon cher petit homme, je vous aime de tout mon cœur.
J’ai travaillé toute la journée et à présent je n’ai pas le courage de lire ces vieux journaux tant je les trouve bêtifiants. La revue du théâtre surtout et c’est la plus nombreuse est d’une rare platitude et d’un grotesque peu amusant. Heureusement que j’ai votre bonne petite pensée pour me rabibocher de toutes mes ennuiasseries [3]. Mais je n’ai plus mon petit pot m’en faut un autre, ne fût-cea que pour ne pas laisser tomber en défaillance ce bon proverbe Qui casse les pots les [4] etc. Je n’en dis pas plus je réserve mon papier pour vous dire que je vous aime de toute mon âme.

J.

BNF, mss, NAF 16327, f. 204-205
Transcription de Nicole Savy

a) « fusse ».

Notes

[1Expression à élucider. Juliette la reprend exactement dans une lettre du 19 février 1858. On songerait au serment imposé à Don Guritan par la reine Marie de Neubourg dans Ruy Blas, mais le sens n’est pas le même : ici, elle s’affirme capable de jurer même devant la reine.

[2Se cartonner, au sens de se critiquer soi-même sévèrement.

[3Néologisme de Juliette.

[4« Qui casse les pots les paie. »

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