Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1837 > Octobre > 7

7 octobre [1837], samedi midi.

Je t’écris avant déjeuner, mon cher bijou. C’est un petit bénédicité que je fais et qui n’en rendra mon repas que meilleur. J’aurais mieux aimé cependant dire les grâces en ta compagnie. Mais ce que j’aime le plus c’est ce qui m’arrive le moins, il faut se résigner.
Pense à moi un peu mon cher adoré, et aime-moi. J’ai bien besoin que tu m’aimes du cœur. Quel malheur que ce M. B [1]. vienne se jeter comme ça à travers les rares moments que tu me destines. Si j’osais je le haïrais. Je ne peux pas souffrir que des étrangers mettent le nez dans mon écuelle pour m’enlever le seul pauvre petit os qu’on me donne à ronger. C’est pas ma faute, tu m’as fait espérer que tu me ferais peut-être sortir aujourd’hui mais je n’y crois pas et qui plus est je ne t’en veux pas. Je sais que tu travailles, mon adoré, et par conséquent que tu n’es pas maître de ton temps.
Jour mon petit pa. J’ai toujours ma douleur où vous savez. C’est pas beaucoup amusant. À bientôt n’est-ce pas ? Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 245-246
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein


7 octobre [1837], samedi soir, 7 h.

C’est votre tour maintenant, mon cher bijou, parce que vous ne voulez pas qu’on vous écrive de trop bonne heure. Sans cela je vous aurais servi le premier. J’espère que tu vas revenir tout à l’heure mon adoré et même, si tu étais bien gentil, tu viendrais dîner avec moi avec la fameuse matelotea de tradition [2]. Mais tu TRAVAILLES et ce jour-là tu n’aimes pas, tu ne manges pas… enfin tu ne fais rien le jour où tu TRAVAILLES. J’ai fini toutes mes lettres dieu merci, cela me coûtait assez à faire, du moins pour MmeP [3]…. Heureusement que m’en voilà quitte, à moins que votre censure ne m’oblige à recommencer, ce qui serait mille fois embêtant.
Je vous aime mon gros LOUP. Je vous aime comme une LOUVE ENRAGÉE. J’ai des envies de vous mordre et de courir après vous [ce] qui ferait très bien dans le paysage si vous le permettiez. Mais hélas je ne bouge ni ne souffle dans la crainte de vous déplaire. C’est là vous aimer. Je m’en flatte. Viendrez-vous ? Ça n’est pas aussi sûr que du vinaigre [4] et je ne suis pas gaie. Si vous venez je me dériderai et je serai très GEAIE. Quel bonheur ! Je t’aime Toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 247-248
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « matelotte ».

Notes

[1Il peut s’agir de M. de Barthès, qui accompagne souvent Claire.

[2Dans La Servitude amoureuse de Juliette Drouet à Victor Hugo, Souchon cite cette phrase en ôtant la seconde occurrence du mot « avec », ce qui donne « manger la matelote ». Il est difficile de savoir en effet si la répétition de la préposition est un lapsus de Juliette ou si ce second « avec » est intentionnel, impliquant un double sens, le mot « matelote » (plat de poissons) pouvant aussi désigner une danse, une sauce ou encore une mode vestimentaire. Dans le doute, nous avons opté pour une transcription fidèle à la phrase originale de Juliette.

[3Probablement Mme Pierceau.

[4Jeu de mots fondé sur l’expression « sûr comme du vinaigre ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne