Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1863 > Décembre > 27

Guernesey, 27 décembre [18]63, dimanche matin, 9 h.

Bonjour, mon infatigable petit piocheur, BON jour, sinon BEAU jour et BONHEUR si tu as mieux dormi que moi cette nuit, ce que je n’ose pas espérer car le temps est à l’insomnie et aux rhume…. atismes. Du reste tu ne pourras pas attribuer ma nuit blanche à aucun écart de régime puisque je n’en ai pas fait et que d’ailleurs je n’ai pas eu le plus petit mal d’estomac. Cela vous embête mais c’est comme cela. Ma sœur est elle-même très enrhumée et ne partira pas mardi selon toute probabilité : ceci me forcera à te demander l’hospitalité pour ma nouvelle servarde dans la chambre de Marie Sixtya rien que pour quelques jours car il est impossible de songer à renvoyer tous les soirs et revenir tous les matins cette pauvre créature chez elle par quelque temps qu’il fasse. Ce serait inhumain et tu es le contraire de l’inhumanité. Donc je compte sur toi pour demander à ta Marie cette toute petite complaisance tout le temps que ma sœur sera ici. En attendant je rassemble mon courage pour continuer mes fonctions de Marie Torne [1] jusqu’à l’arrivée de l’autre et je t’assure que ce n’est pas une petite besogne. Je sens même que je suis à bout de force et que si, par impossible, elle me manquait de parole, je serais forcée de laisser tout aller tant je suis fatiguée et énervée et puis je ne sais pas pourquoi je te rabâche tout cela si ce n’est pour t’agacer et t’ennuyer de mes infortunes de domestique. Pardonne-le-moi et oublie que je te l’ai dit. Ne te souviens que de ceci qui est le fond et le tréfondsb de ma vie c’est que je t’aime de toute mon âme et que je ne peux ni vivre ni sourire que par toi et pour toi. Maintenant, mon cher petit bien-aimé, pense à moi, aime-moi et garde ta santé qui est la santé de ma santé et tâche d’être heureux pour que je sois heureuse.

BnF, Mss, NAF 16384, f. 295
Transcription de Gérard Pouchain


a) « Sixti ».
b) « tréfond ».

Notes

[1Jeu de mots entre le prénom de la servante et ses propres activités de « Maritorne », personnage du Don Quichotte de Cervantès, employée d’auberge malpropre.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne