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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 janvier [1840], mercredi après-midi, 1 h. ¼

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon bien-aimé Toto. Comment que ça va mon adoré ? Je n’ose jamais te demander comment tu as passé la nuit car rien que d’y penser j’en ai le cœur gros.
J’ai payéa le loyer tout à l’heure, il n’est pas plus question de bail que de rien du tout ; décidément ça n’est pas naturel. Enfin au petit bonheur, d’ailleurs nous emporterons, sinonb la maison sur notre dos comme le limaçon, du moins notre amour et c’est là le vrai et le seul talisman qui nous fera les plus heureux amants de la terre et du ciel partout où nous serons. Que le propriétaire stupide (comme tous les propriétaires) fasse donc ce qu’il voudra, je m’en moque comme d’un vaudeville de l’AN 40.
Il fait un bien hideux temps aujourd’hui ; il y a beaucoup de chance pour que tu me fassesc sortir. Cependant je sais un moyen d’empêcher cette velléité c’est de m’habiller D’AVANCE. Je vais me dépêcher pour jouir de cette petite taquinerie innocente que nous nous faisons. Je vous aime mon Toto. Oh ça j’espère que vous devez vous trouverd joliment beau garçon et jeune après le travail que j’ai fait pour ça cette nuit ? J’en suis joliment fâchée à présent ; un autre foise je vous arracherai tous les noirs et je vous laisserai tous les blancs avec le plus grand soin. Qui est-ce qui sera collé ? Baisez-moi alors et soyez-moi fidèle comme un pauvre bon chien, comme moi c’est encore mieux et plus sûr. Baisez-moi mon Toto chéri. Baisez-moi : je vous aime de toute mon âme. Prenez garde à vos pieds surtout que vos BEAUTTES soient en bon état et venez me voir tout de suite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 56-57
Transcription de Chantal Brière

a) « payer ».
b) « si non ».
c) « fasse ».
d) « trouvez ».
e) « autrefois ».


15 janvier [1840], mercredi soir, 5 h. ½

C’est moi qui vous aime, mon Toto, c’est moi qui vous désire, c’est moi qui vous adore. Vous, vous n’êtes qu’un vil plagiaire qui me copiez de très loin, de trop loin même. Baisez-moi bien fort et emboîtez le pas dans mon amour et marchez droit, vieux scélérat. Je ne vous en veux pas de ne m’avoir pas fait sortir parce que ça justifie de plus en plus mes observations physiologiquea et psychologiqueb (excusez du peu, plus que ça de science, merci). Je m’étonne moi-même. Je disais donc que je vous avais écrit tantôt pour vous prévenir de ce qui arriverait si vous veniez dans la journée et si vous me trouviez toute prête. Si vous m’aviez fait sortir ça aurait dérangé mes prévisions et cela m’aurait humiliée dans mon amour-propre d’observatrice de l’ASTRE TOTO. Je vois avec orgueil que jusqu’à présent je ne me suis pas trompéec. C’est assez satisfaisant pour une simple femme. Je vais copire, mon Toto, soyez tranquille la copie manquera plutôt à ma persévérance que ma persévérance à vos copies. Et d’ailleurs je n’y ai pas grand mérite car ça m’amuse énormément. Je ne vois pas venir Mme Krafft et je n’en entends pas parler, peut-être n’a-t-elle pas reçu ma lettre ce qui est fort embêtant car, outre qu’il faudra que je lui récrive, elle croira que nous ne pensons pas à faire ce qu’elle nous demande. Je t’aime Toto. Je t’aime mon bon petit bien-aimé, c’est toujours par là que je commence et que je finis parce que c’est le commencement et la fin de mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16341, f. 58-59
Transcription de Chantal Brière

a) « phisiologique ».
b) « psicologique ».
c) « trompé ».

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