7 décembre 1863

8 décembre 1863

Guernesey, 7 décembre [18]63, lundi matin, 8 h.

Tu es déjà levé, mon cher bien-aimé, et probablement déjà au travail car je ne te vois pas aller et venir dans ta petite chambre. J’ai eu beau frapper à tour de bras mon traversin pour appeler ton attention au cas où tu serais au fond de ton look-out^a rien ne m’a répondu et je suis descendue assez piteusement ici où je me venge sur ma restitus en attendant mieux. J’espère que tu as passé une bonne, bonne nuit, aussi bonne que la mienne qui ne m’aurait rien laissé à désirer si tu l’avais partagée avec moi dans le même dodo… Shoking, shoking, shame, shame, impropred, very indescent !!! mais, telle est ma foi [c’est ?] que je brave l’honnêteté dans toutes les langues, c’est mon génie à moi, voyons à présent votre style [1]. À propos de style, votre petite belle-sœur [2] était assez drôlette hier soir dans son rôle de Bobonarde [illis.] et la vertu de son Chenay ; il n’y a que la foi qui sauve, dit le proverbe catholique, et M^me Chenay est capable non seulement de se sauver mais d’en sauver bien d’autres à la force de sa [illis.] enfantine. Du reste [illis.] ou incrédulité, rien ne fait devant l’infidélité organique et organisée des hommes. Telle est mon opinion dont je ne me vante pas, hélas ! mais dont je suis souvent inquiète et attristée plus que je n’ose me l’avouer à moi-même. Cependant ce n’est pas une raison pour te tourmenter, mon trop bien-aimé ; je veux au contraire te sourire et t’adorer en toute confiance comme si j’étais aussi sûre de ton cœur que du mien et de ta fidélité comme je le suis de la mienne.