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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 septembre [1837], vendredi matin, 9 h. ¾

Bonjour mon cher petit homme adoré. Aime-moi car je t’aime de tout mon cœur, moi. Je suis triste ce matin, je n’en donne pas d’autre explication. Si tu m’aimes, tu sauras bien pourquoi. Il fait un temps affreux et j’en suis bien aise. Je trouverais encore plus malheureux le soleil reluisant et poudroyanta dans une chambre veuve de vous.
Je vais prendre un bain ce matin. J’en ai besoin pour toutes sortes de raisons. Après je travaillerai à me faire une chemise de flanelle et puis je penserai à vous et je vous désirerai comme à l’ordinaire de toutes mes forces et en vous aimant de toute mon âme. Ce serait bien heureux et bien gentil si tu pouvais venir dîner avec moi ce soir et coucher cette nuit. Malheureusement, je n’en espère pas un seul de ces bonheurs. Je sais trop que tu es en famille, heureux et oublieux. Je ne t’en veux pas, seulement je suis triste. Pauvre voyage, cher bonheur, vous n’avez pas duré longtemps, pas assez pour la vieille Juju qui s’habituait trop bien à cette vie nomade. Enfin… J’ai remis en place ton soi-disantb portrait et quoiqu’il ne soit pas très ressemblant je l’aime d’avoir été fait d’après toi. Mais j’aime encore mieux l’original qui remue toujours et qui irait dans deux bateaux à vapeur à la fois s’il y en avait deux, qui est d’une lenteur absurde et qui… etc. Je l’aime, je l’aime et je l’aime. Je le voudrais là pour le baiser sur ses deux joues rouges et sur sa petite bouche rose avec mes grosses lèvres noires. Je l’aime qu’on vous dit.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 168-169
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « poudroiant ».
b) « soit-disant ».


15 septembre [1837], vendredi soir, 7 h. ¼

Si je pense à vous mon cher petit homme ? Je crois bien que j’y pense et avec amour encore et en vous désirant de toutes mes forces. Je relisais tout à l’heure les deux dernières petites lettres de la veille de notre départ. J’y ai respiré un air de bonheur et de gaieté que j’aurais bien de la peine à retrouver à présent que je vais être si souvent et si longtemps seule. Maintenant quand vous voudrez que je sois très geaie et très heureuse, vous viendrez déjeuner, dîner et COUCHER avec moi. Alors je pousserai mon QUEL BONHEUR !!!!!! Hors cela je serai très triste et très mouzon parce que je trouve la vie très bête sans vous. C’est pas ma faute. Je viens de m’apercevoir que j’avais fait une énorme bêtise. Nous avions une reconnaissance pour après-demain, 17 septembre, mais comme le 17 est un dimanche, il aurait fallu la renouvelera demain 16. Je n’ai pas le temps d’en prévenir Mme Lanvin. Il est donc probable que nous paierons un mois pour un jour. Heureusement que la somme n’est pas trop grosse, 35 F. Mais c’est égal, je suis une vieille bête et si je ne vous aimais pas tant je mériterais d’être guillotinée dans les 24 heures.
Vous m’avez presque promis de venir dîner ce soir mon cher petit homme, mais comme je n’ai pas oublié mon ancien métier, je ne vous attends pas au moins pour souper. Il est possible que j’aie la faiblesse d’espérer vous voir au moins un tout petit peu cette nuit. De quoi ne suis-je pas capable, hein ? Je vous aime mon cher petit O. Je t’aime, je t’aime, tu sais, comme autrefois, je t’aime, tu sais bien, avec les yeux doux, le sourire des lèvres qui laisse voir l’âme, et bien je t’aime comme cela et bien plus encore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 170-171
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « renouveller ».

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