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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 15a novembre 1855, jeudi midi

Il fait jour dans mon cœur et soleil dans mon âme, mon cher adoré bien-aimé ; toutes les brumes et tous les nuages qui les assombrissaient sont dissipés aujourd’hui. J’ai confiance en toi, je t’aime, je te souris, je suis heureuse, je t’adore. Les petits Préveraud voulaient m’emmener avec eux tout à l’heure mais je n’ai pas voulu risquer de te manquer dans le cas où tu viendrais pendant leur promenade. Pourtant je ne serais pas surprise que tu ne sois de ton côté pris pour faire une petite excursion dans la campagne surtout Mme Bouclier étant à l’avant-veille de son départ. Quoi qu’il arrive, mon cher adoré, je t’attendrai avec toute la patience dont je suis capable et avec tout l’amour que tu peux supporter. Pense à moi, je t’aime. J’aurai voulu ne plus te reparler de la lettre de Dulac mais j’ai beau tourner et retourner ma plume entre mes doigts, je ne peux rien en faire sortir. Cependant, je sens que le temps presse et qu’il est urgent de répondre sans plus de retard à la lettre si polie et si cordiale qu’il m’a envoyée il y a huit jours. Si tu viens d’assez bonne heure tantôt et que tu ne sois pas trop fatigué, je me risquerai peut-être à te demander un peu d’aide. En attendant, je me hasarde timidement à t’en parler à distance, comprenant tout ce qu’il y a d’indiscrétion stupide dans ma demande. Pardonne-moi, mon cher petit homme, car ça n’est pas tout à fait de ma faute si je suis sotte et ignorante. Le cœur peut se passer de syntaxe et je te le prouve tous les jours en te servant mon amour sous les formes variées de pataquès et de cuirs non gaufrés, mais les vraies LETTRES exigent plus de grammaire que de sentiment. Voilà pourquoi je suis si à court de style et si embarrassée pour en écrire la queue d’une. Cher adoré, aie pitié de moi, pardonne-moi et viens à mon secours je t’en supplie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16376, f. 350-351
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

a) La date a été corrigée d’une autre main : Juliette avait écrit « 14 ».

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