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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 février [1836], mardi matin, 10 h. ¼

Bonjour mon cher bien aimé, comment as-tu passé le reste de cette nuit ? Moi, grâce au bon mouvement que tu as eu, j’ai passé une assez bonne nuit. Ce matin, je t’aime comme à l’ordinaire sinon plus. Il y a beaucoup de choses injustes et exagérées que je t’ai dites hier, et que je rétracte ce matin. Cependant la résolution que je t’ai manifestée tient plus que jamais dans mon esprit. Je ne vois pas d’autre moyen de nous soustraire tous les deux à des soupçons odieux et révoltants pour l’un comme pour l’autre. Ceci, mon cher bien-aimé, c’est de l’amour, mais c’est de l’amour BLESSÉ dans ce qu’il a de plus saint et de plus sacré. Je voudrais qu’à partir d’aujourd’hui nous n’en reparlions plus, c’est un sujet trop triste, pour moi du moins. La journée s’annonce aussi belle aujourd’hui que celle d’hier, seulement sa beauté sera dans son ciel au lieu qu’hier elle était dans tes yeux et dans mon cœur.
Je vais me lever, quoique je sois très fatiguée mais je pense que tu viendras me chercher pour courir les appartements et je veux être toute prête.
Je t’aime mon bien-aimé. Je t’aime d’un amour bien profond et indéracinable. Je te le prouve tous les jours et à toutes les heures de la journée. Je t’aime. Sois heureux, sois content car je t’aime de toute mon âme.

Juliette


BnF, Mss, NAF 16326, f. 85-86
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa


9 février [1836], mardi soir, 8 h.

Je n’ai pas encore dîné, mon cher petit homme, parce que le feu n’était même pas allumé lorsque je suis rentrée. Au reste cela m’est d’autant plus égal que je sais que tu ne viendras pas me chercher pour aller voir Lucrèce ni pour autre chose encore moins.
Mon cher petit bien-aimé, je te laisse tout à fait maître de décider pour le logement. Celui que tu choisiras sera le mieux, quel qu’il soit. Seulement, je te ferai observer que dans l’état de gêne excessive où nous sommes et où nous serons le loyer de 600 F. par an plus 46 F. pour le demi-terme me paraît écrasant. Ensuite, la question du passe-partout n’étant pas approfondie, il serait fort triste d’avoir un désappointement de ce côté une fois liés. Enfin, mon pauvre ange, pensez-y et faites.
Je t’aime mon Toto, je ne t’ai jamais plus aimé qu’à présent. J’ai bien vu la jolie petite mine que tu m’as faite tantôt en rentrant. Si je ne te réponds pas au PHYSIQUEa je te réponds dans le fond de mon cœur, n’est-ce pas la même chose ?
Je t’embrasse mon adoré, je t’aime, je t’aimerai jusqu’à la fin de ma vie, ici et ailleurs.
Viens vite si tu peux, pense à moi si tu m’aimes.

Juliette


BnF, Mss, NAF 16326, f. 87-88
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) « phisique », le mot est souligné deux fois.

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