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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 mars 1861

Guernesey, 12 mars 1861, mardi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon cher petit Crésus, bonjour.
Vous m’avez filouté de dix-sept sous et demi hier au soir [1] mais je vous pardonne si vous en avez profité pour passer une bonne nuit et pour vous bien porter ce matin. Quant à moi, mon désastre m’a fait dormir comme un sabot. Aussi, loin de m’en plaindre, je suis prête à recommencer, à la condition que vous me ferez crédit. Mais je ne veux pas m’amuser plus longtemps aux bagatelles de la restitus, je veux me hâter au contraire de vous dégoiser tout mon cœur pour être plus vite à mon travail. C’est si bon d’écrémer, avant tout le monde, le dessus de votre génie et de boire à même votre poésie avant que personne n’y ait goûté. Que je regrette de n’avoir pas double cœur et surtout double esprit pour n’en pas perdre une goutte. Cher adoré, je t’aime, je t’admire, je te bénis et je ne sors pas de là car c’est ma vie toute entière. Je serai la plus heureuse des femmes ce matin si tu as passé une bonne nuit et si tu ne souffres pas de la gorge.

BnF, Mss, NAF 16382, f. 70
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Le ton guilleret laisse à penser qu’ils ont joué au loto où Hugo a perdu et emprunté de l’argent à Juliette.

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