2 mars 1862

Guernesey, 2 mars 1862, dimanche, 7 h. ½ du matin

Bonjour, mon adoré bien-aimé, bonjour pour hier et pour aujourd’hui, bonjour de tout mon cœur et de toute mon âme, bonjour. Souris-moi en rêve, je t’adore. J’espère que tu dors encore, mon cher petit homme. Quant à moi, j’attendais avec impatience le moment où je pourrais me lever tant j’étais fatiguée de mon lit sans sommeil. J’ai encore eu de l’agitation sans savoir pour qui et pour quoi. Du reste cela ne peut pas t’étonner, et moi moins encore, puisque c’est mon état quasi habituel et je n’en parle que pour t’obéir, autrement je n’y ferais pas attention et je me hâterais d’oublier le matin le petit agacement de la nuit. Enfin vous le voulez. J’obéis, j’obéis, j’obéis comme une Juju jobarde que je suis. Je vous dirai pour nouvelle qu’il fait très beau temps ce matin, mais avec un froid de loup qui me tient les doigts raides et l’estomac serré. J’attends que le feu soit allumé pour me réchauffer un peu et puis je CORRIGERAI MES^a épreuves, telle est ma force et mon style, ce qui ne m’empêche pas, chemin faisant, de vous faire une RESTITUS monstre pour celle d’hier et celle d’aujourd’hui [1]. Vous vous en passeriez bien au moins de la moitié, mais moi j’ai la probité féroce autant que mon amour et je ne vous garderai pas une seule patte de mouche ni une seule ânerie, ni un seul baiser, ni une seule tendresse. Cela vous apprendra à vouloir des restitus en veux-tu en voilà. Bisques. Je vous adore.

BnF, Mss, NAF 16383, f. 54
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette