4 février 1861

Guernesey, 4 février 1861, lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher adoré, bonjour avec tout ce que j’ai de meilleur et de plus tendre en moi. Bonjour, santé et bonheur et amour. Comment as-tu passé la nuit, mon cher bien-aimé ? Te sens-tu aussi bien ce matin que tu l’étais hier au soir en me quittant ? Tu me diras cela tantôt ; en attendant, je t’écris paresseusement de mon lit où je reste parce que le temps est assez froid et embrumé. Je profiterai de ce repos forcé pour écrire trois ou quatre lettres en retard, entre autres ma réponse à Julie C., réponse que je ne fais que d’après ton conseil car livrée à mon seul instinct, je ne lui aurais pas fait cet honneur. Depuis longtemps déjà, je considère cette personne ingrate et maniérée, comme tout à fait étrangère à moi [1]. Mais en voilà bien long pour si peu de chose que cela. J’espère que le temps se relèvera tantôt et que nous pourrons faire nos passus sur la colline, avec un peu de soleil dans le dos. Jusque là, je vais me livrer à une rédaction forcenée (ne pas lire force nez, la chose n’émanant pas de Suzanne [2]). Si vous ne me trouvez pas très spirituelle ce matin, c’est que vous êtes difficile et que vous abusez de votre droit de ma savoir inepte et stupide outre mesure. Mais je vous pardonne, baisez-moi et gardez-moi le secret. Je vous adore.

BnF, Mss, NAF 16382, f. 33
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette