Paris, 30 mai 1882, mardi matin, 10 h.
Tu paraissais bien en train de travailler quand je t’ai quitté ce matin, mon grand petit homme, j’espère que cela ne t’aura pas trop fatigué, et qu’au contraire tu n’en seras que plus éveillé et plus alerte le reste de la journée, avec la satisfaction en plus d’avoir fait une nouvelle bonne action en venant au secours de ces pauvres juifs [1] mis hors la loi dans un pays qui est lui-même hors l’humanité, je veux dire hors de la civilisation. Ma plume s’embarrasse comme ma langue surtout quand elle veut se mêler de choses trop en dehors de ses habitudes. Pour sortir de cet empêtrement d’idées et de mots je te dirai que je viens de prendre un bain pour tâcher de ramener un peu de calme dans toute ma personne. L’orage de ce matin avait encore exaspéré mon estomac ; aussi je n’ai rien trouvé de mieux à faire que de me fourrer dans l’eau pendant une heure. En ce moment je me sens un peu apaiséea et j’en profite pour te faire ma profession de foib. Je t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 98
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « appaisée ».
b) « fois ».