Paris, 25 avril 1882, mardi matin, 8 h.
Cher bien-aimé, je ne peux que t’encourager à remplacer par un bon sommeil ce matin, l’insomnie persistante de cette nuit ; d’ailleurs il fait si froid et si vilain en ce moment que ton rêve, si maussade qu’il puisse être, vaudra toujours mieux que cette renfrognée réalité. La pauvre Rosalie et sa fille n’auronta guère beau temps pour leur noce. En revanche nos voyageurs [1] n’en serontb que plus enclins à rentrer à la maison pour peu qu’ils aient quelques soucis dec rhumes et des rhumatismes. Cette pensée me fait voir sans trop d’horreur la pluie persistante qui tombe. À propos de pluie, j’avais entrevu hier, mais trop tard pour le lire, le nom de Robelind dans le Voltaire [2] dans un article où Alexandre Dumas [3] prenait la parole à propos de sa collaboration avec Durantin [4] pour la pièce Héloïse Paranquet. J’ai eu la curiosité de le lire tout à l’heure. Il résulte de l’affirmation de Dumas, avec noms à l’appui, que c’est l’histoire de Robelin et de ses enfants [5]. Les noms d’Alfred Leroux et de son frère Pierre Leroux y sont cités ainsi que celui de Durantin, père, magistrat qui a conduit tous les débats de l’affaire Robelin. Je ne sais jusqu’à quel point Dumas pouvait ou devait se servir de ces noms propres pour défendre et pour affirmer sa collaboration à cette pièce. Mais ce que je sens c’est que la famille de Robelin et Robelin, lui-même, doivent être au moins étonnés du procédé. Je te lirai cet article et tu rectifieras, comme toujours, ma pauvre jugeotte qui t’est soumise autant que mon cœur et que mon âme.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 64
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « aurons ».
b) « serons ».
c) « des ».
d) « Roblin ». Juliette conserve cette orthographe dans toute la suite de la lettre.