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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 mars 1849

15 mars [1849], jeudi matin, 8 h.

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon pauvre homme, bonjour, comment s’est passé votre bal du président ? Avez-vous fait vos frais de séduction auprès des faumes ? À quelle heure êtes-vous rentré de ce bastringue ? Et avec qui étiez-vous ? Pendant ce temps-là je me dorlotaisa dans le plus affreux mal de tête que j’aie eu depuis longtemps et j’écoutais les coups de sifflets qui s’appelaient et se répondaient dans ma rue et dans les terrains avoisinants. Ce genre de divertissement n’était pas assez fort pour m’empêcher de regretter les douces nuits que vous me donniez autrefois. J’ai vu le moment où j’allais me livrer à des chagrins véritables pendant que vous étiez heureux, souriant et recherché dans ce bal. Heureusement, le bon Dieu a eu pitié de moi en m’envoyant le sommeil. Voilà, mon PAUVRE HOMME, comment s’est passéeb ma nuit à moi [1]. Nous verrons si vous avez mieux employé la vôtre. Jusque-là je suis celle qui vous attend, qui vous désire et qui vous aime toujours autant et de plus en plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 43-44
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « dolottais ».
b) « passé ».


15 mars [1849], jeudi après-midi, 2 h. ¼

Il me semble que tu m’as dit qu’il y aurait séance aujourd’hui à l’Académie et à l’Assemblée [2], n’est-ce pas mon cher petit homme ? Dans ce cas-là, est-ce que tu n’auras pas la générosité de venir me voir un petit moment avant d’y aller ? J’y compte et c’est ce qui me donne le courage et la patience de t’attendre. Du reste je ne vois pas plus de père Triger que sur la main [3]. Aussi demain je me mettrai en route avec toi. Mon pied est revenu à son mal primitif, c’est-à-dire que je peux à la rigueur marcher [4]. D’ailleurs entre deux maux ona choisit toujours le moindre et j’aime encore mieux souffrir du pied que du cœur. C’est dit. Demain je reprendrai mes habitudes et je t’accompagnerai jusqu’à l’Assemblée. C’est dit, c’est convenu ! Quel bonheur !!! Je voudrais bien que tu puissesb me donner ta soirée mardi prochain. Je n’ose pas m’en réjouir d’avance parce que rien n’est plus chanceux mais je serais bien heureuse si tu pouvais venir dîner avec nous. Hélas ! autrefois, c’était avec MOI, MOI SEULE que tu dînais. Maintenant c’est à grand peine si je peux t’avoir devant TÉMOINS. C’est triste mais je ne veux pas trop te le dire de peur de t’ennuyer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 45-46
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « ont ».
b) « puisses ».

Notes

[1Parodie de Tartuffe, Acte I, scène 4, où, à Dorine qui lui raconte la mauvaise nuit passée par sa femme, Orgon répond systématiquement, s’inquiétant pour son hôte, « le pauvre homme ».

[2Le 15 mars, trois votes sont soumis à l’Assemblée. Absents lors des deux premiers, Victor Hugo vote uniquement pour la proposition du citoyen Dupont de Bussac, relative à la liberté d’expression durant la durée d’une campagne électorale.

[3À portée de main.

[4Juliette soufre d’une crise de goutte depuis plusieurs jours.

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