Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1858 > Décembre > 31

Guernesey, 31 décembre 1858, vendredi soir, 9 h. ¼

Cher adoré, je ferai pour toi ce que Mahomet faisait pour la montagne [1], j’irai en pensée et avec l’aide de mon âme jusqu’à tes pieds et je les baiserai. Amuse-toi, mon bien-aimé, sois heureux au milieu de la joie de tous les tiens ; profite de ce moment de douce et charmante détente de l’esprit et du corps entre la dernière étape de cette année qui finit et le premier relais de celle qui va commencer. Ne te refuse à aucun des petits bonheurs qui viendront s’offrir à toi, le rire sur les lèvres et les mains pleines de promesses et d’espérance ce soir. De mon côté, mon bien-aimé, j’écouterai au fond de mon cœur attendri chanter nos vingt-cinq anniversaires d’amour à genoux devant ton portrait et sous le regard calme et fixe de mon pauvre doux ange et puis je tâcherai de m’endormir en priant pour toi. Bonsoir, mon bien-aimé, sois heureux autant que je t’aime et que tout ce que tu désires en ce monde et dans l’autre te soit donné.

Bnf, Mss, NAF 16379, f. 364
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette
[Blewer]


Guernesey, 31 décembre 1858, vendredi 10 h. ½ du m[atin]

Bonjour, mon pauvre cher bien-aimé, bonjour avec toutes les tendresses et tous les regrets de mon cœur. J’espère que tu auras passé une bonne nuit malgré la stupide algarade qui s’est produite entre nous et par ma faute, je le reconnais, hélas ! Du reste, mon pauvre ami, je crois que nous n’aurons pas besoin d’inventer de prétexte pour me dispenser du festival Marquand car je me suis plus que suffisamment enmédecinée pour ne pouvoir pas bouger de chez moi. Je sais bien que ce ne sera pas encore la solution pleine et entière de l’inconvénient que tu redoutes quant à ta maison, mais pour mon compte je serai je l’espère à l’abri de toute censure : si tu veux que le même cas ne se reproduise plus pour moi, il me sera facile de faire un petit travail sournois sur l’esprit des Marquand et des Préveraud pour leur ôter à l’avenir la pensée de m’inviter en même temps que toi, c’est-à-dire pas du tout. Cela ne me sera pas bien difficile et me sera moins désagréable que de savoir qu’on peut trouver mauvais cette marque accidentelle de sympathie et de cordialité. Je te le dis sans la moindre mauvaise humeur dans le désir bien ardent d’éviter le retour de choses pénibles entre toi [et] moi qui me deviennent de jour en jour plus odieuses et plus pénibles parce que je sens que je n’ai plus que le temps bien juste de t’aimer de toute mon âme.

Bnf, Mss, NAF 16379, f. 365
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Dans « Le Cèdre » (La Légende des siècles), poème récemment composé par Hugo et vraisemblablement recopié par Juliette, le scheik Omer fait déplacer un cèdre jusque sur une montagne, « au nom du Dieu vivant », pour couvrir saint Jean de son ombre.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne