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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 novembre [1844], samedi matin, 10 h.

Bonjour, mon petit bien-aimé, bonjour mon adoré petit homme, bonjour mon Toto chéri. Il faut venir me voir tout à l’heure, mon cher amour, je ne peux pas vivre tous les jours sans te voir, cela m’est impossible, et si tu ne viens pas j’irai te chercher. Cela vous contrariera mais je vous verrai, c’est tout ce qu’il me faut.
Mon Dieu que je voudrais que cette infinissable affaire soit terminée [1]. J’ai beau dire que cela m’est égal, je sens qu’elle me devient de jour en jour de plus en plus agaçante et je voudrais pour tout au monde qu’elle fûta terminée d’une manière ou d’une autre. J’espère que la personne que tu dois voir demain saura te décider par de bonnes raisons, à lever la seule difficulté qui existe à ce sujet. Quant à moi, je n’ose rien me permettre mais je voudrais que tu trouvassesb en toi-même une raison déterminante pour faire ce qu’il faut pour le succès de la chose. Tout cela, y compris la lenteur qu’on y apporte, est agaçant au dernier point et pour ma part j’en ai assez. Parlons d’autre chose.
Je t’aime, mon petit Toto chéri, mais je ne trouve pas assez d’occasions de te le dire. Je passerais ma vie à te gribouiller ces deux mots que cela ne vaudrait pas pour moi le baiser que je prendrais sur ta bouche. Tâche donc de venir me voir aujourd’hui dans la journée et plutôtc dans la matinée que dans la journée, plutôtc tout de suite que dans la matinée. En fait de bonheur il vaut mieux tenir que courir. J’en fais la triste expérience tous les jours sans bouger de chez moi.
Clairette est revenue de la messe. Elle se dispose à faire des fleurs pour ton bouquet. Elle paraît bien heureuse. Dieu veuille que cela continue. Moi aussi je serais bien heureuse si je te voyais et si j’étais sûre de passer la journée avec toi. Mais hélas ! Il s’en faut de tout que j’aie cet espoir, c’est ce qui rabat considérablement de ma joie. Pourtant je ne veux pas finir ma lettre sur une pensée triste et pour cela je te baise des millions de fois.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 5-6
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « fut ».
b) « trouvasse ».
c) « plus tôt ».


2 novembre [1844], samedi soir, 9 h. ½

Que tu es beau que je t’aime !
Que tu es aimable que je t’aime !
Que tu es doux que je t’aime !
Que tu es charmant que je t’aime !
Que tu es noble que je t’aime !
Que tu es bon que je t’aime !
Que tu es ravissant que je t’aime !
Que tu es ineffable que je t’aime !
Que tu es adorable que je t’aime !
Que tu es grand que je t’aime !
Que tu es divin que je t’adore !
Tu as bien fait de venir deux petites fois aujourd’hui, mon amour chéri. Si peu que ce soit que je t’aie vu cela suffit pour me réjouir le cœur. Merci, mon Victor bien-aimé, merci mon doux aimé, merci tu m’as fait bien du bonheur. Merci Toto !!!
Clairette fait des fleurs à force. Cette chère enfant est aux anges quand elle croit pouvoir nous faire plaisir ! À ce sujet, je te prierai de me donner tes armoiries coloriées. Nous en avons absolument besoin et très prochainement. Est-ce que tu ne pourrais pas charger Charlot de les faire ? Cela l’amuserait et cela nous rendrait service. Tâche d’arranger cette affaire, mon bijou chéri, tu nous feras grand plaisir. Si tu pouvais venir de bonne heure ce soir tu mettrais le comble à tes bontés mais je n’ose pas l’espérer car je sais combien tu travailles, mon pauvre bien-aimé. Je tâcherai d’avoir du courage et de la patience. C’est à peu près comme si je disais que je vais tâcher de t’aimer moins, aussi Dieu sait comme je me tiens parole. J’ai bien fait d’envoyer ma grande péronnelle [2] chez son père. Autrement elle aurait emporté la pensée qu’il était peut-être revenu et qu’elle serait privée encore quinze jours du bonheur de le voir. Et je désire autant que possible lui faire la vie douce et facile chez Mme Marre. C’est pour cela que j’ai voulu qu’elle s’assure par elle-même que son père n’était pas revenu. J’ai bien fait, n’est-ce pas mon Toto ? Je vous aime, je fais bien aussi, je vous adore, je fais toujours bien. Et je vous désire de toutes mes forces et j’ai raison, n’est-ce pas mon cher amour ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 7-8
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

Notes

[1Probablement l’élévation de Victor Hugo à la pairie qui est envisagée depuis des années et rencontre une forte opposition de la part du chancelier duc Pasquier, président de la Chambre des pairs.

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