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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 octobre [1844], jeudi midi

Bonjour, mon Toto bien aimé adoré, bonjour, je te baise, je t’aime, je te désire et je t’attends. Tu me diras, mon cher amour, quand je devrai me tenir prête à t’accompagner chez ton roi. J’en ai rêvé cette nuit, ou plutôt j’ai rêvé de la chose en question. À force d’y penser le jour, j’en rêve la nuit. Mais tout cela n’est pas une solution et voilà l’agaçant. Toi seul, mon Toto, peut couper ce nœud gordien ou le dénouer à ta volonté. Mais qui est-ce qui osera te conseiller ? Ce ne sera pas moi toujours, pour toutes sortes de bonnes raisons dont la première l’emporte sur toutes les autres : mon ignorance de toutes choses, et de celle-là en particulier.
Je voudrais être plus vieille d’un mois pour savoir enfin qu’est-ce qui a prévalu de ta réserve ou de l’entêtement formaliste du … Je m’en explique probablement très mal, mais comme tu sais à quoi je fais allusion, tu me comprends malgré cela. Mon Toto bien aimé, je t’aime trop excessivement pour ne pas m’intéresser entièrement à tout ce qui te touche. Ce n’est ni curiosité ni tâtillonnage, crois-le bien, je le fais comme je respire et comme je t’aime, sans préméditation.
Je voudrais bien que tu puissesa venir me voir en allant à l’Académie et même auparavant si cela se peut. Je t’attends, mon Victor chéri, avec l’amour dans le cœur, les baisers sur les lèvres et l’adoration dans les yeux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 281-282
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « puisse ».


24 octobre [1844], jeudi après-midi, 3 h.

Je viens d’écrire à Barbedienne, mon Toto, et d’y envoyer Suzanne. Nous verrons ce que répondra ce hideux bonhomme. En attendant, je bisque de toutes mes forces. Avec cela que je te vois si peu que je ne sais même pas si je te vois ; j’ai à peine le temps d’en emplir le coin de mon œil tandis que je voudrais en remplir toute ma vie. Aussi, je ne suis pas très gaie car je ne prévois pas quand cela finira et quand je te verrai davantage. Pauvre bien-aimé, je sais bien que tu travailles. Je sais que tu es accablé d’affaires, mais, hélas ! je ne prévois pas quand elles seront terminées. Au contraire, j’entrevois qu’elles iront toujours en augmentant et alors qu’est-ce que je deviendrai, moi ? Je voudrais ne pas t’ennuyera et je ne peux pas m’en empêcher. T’aimer et te voir est une idée fixe, ou plutôt un besoin fixe dont rien ne peut me distraire. Voilà pourquoi, mon cher bijou, je te dis toujours la même chose. Je ne peux que me réjouir du bonheur de te voir ou me plaindre du malheur de ton absence. Ce sont les deux seuls événements qui composent toute ma vie. Ça n’est pas de ma faute, après cela, si je suis si monotone dans ma joie et dans mon chagrin. Cependant, pour me distraire, voilà trois heures que je taille deux plumes dans pouvoir en venir à bout. Il est temps que je les perfectionne si je veux en avoir assez de reste pour finir ma lettre, car de taillants en trognons, il ne me reste plus que les barbes avec lesquels il me serait fort difficile de vous faire la vôtre, même à votre nez. Sur ce trait d’esprit, je menace de terminer ce hideux gribouillis par des millions de baisers et des torrents d’amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 283-284
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « ennuier ».

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