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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 octobre [1844], mercredi, midi ½

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour mon adoré petit homme, bonjour toi, bonjour vous, je vous adore. Je ne veux pas abuser de mes désavantages pour vous humilier mais convenez que j’aurais beau jeu si je voulais, mon cher petit tranche-montagne [1] ? Je vous attends dans huit jours ! Oh ! alors je serai sans pitié et je combattrai à fer émoulu : tue ou meurs ! Je n’entends pas laisser passer toutes vos bravacheries en conversations non CRIMINELLES. Préparez-vous donc, mon cher petit blagueur, à une guerre sérieuse et formidable entre la plus féroce de vos admiratrices et vous.
J’ai envoyé payer la robe ce matin. J’ai été sur le point de ne pas la prendre tant j’avais de remords de ce que je faisais. Et puis j’ai craint que tu ne trouves cela singulier et j’ai rappelé Suzanne dans l’escalier pour lui donner l’argent et lui reprendre l’étoffe. Maintenant il n’y a plus à y revenir car je viens d’écrire à la couturière de la venir chercher cette semaine. Puisque je l’ai, je veux en profiter le plus tôt possible, selon ma louable habitude.
Je continue à maudire ce hideux Barbedienne. Je voudrais qu’il fût pendu haut et court pour lui apprendre à me garder mon cher petit portrait aussi longtemps. Voilà le sort que je souhaite à tous ceux qui se mettent entre vous et moi, soit en personne, soit en portrait, soit en pensée, soit en action.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 277-278
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette


23 octobre [1844], mercredi soir, 5 h. ¾

Je ne te vois pas assez mon cher bien-aimé. Tous les jours tu diminues ce pauvre petit moment de bonheur que tu me donnais. Bientôt il n’en restera plus du tout, ça n’est pas juste.
Où alliez-vous tantôt si bien attifé a et si bien barbifié, je voudrais le savoir sans être trop curieuse. Hein, où alliez-vous, dites ? Je me fais cette demande depuis que je vous ai vu si gentil et si pressé sans trouver une bonne réponse à me faire. Je vous attends avec impatience pour voir si vous serez plus heureux que moi.
Pauvre adoré, quel que soit le désir que j’ai de te voir, je ne souhaite pourtant pas que tu arrives dans ce moment-ci à cause de l’affreuse fumée qu’il y a dans ma chambre. J’ai la porte et la fenêtre ouvertes pour la faire sortir plus vite mais elle ne sort que lentement, ce qui fait que j’ai les yeux et la gorge dans un état hideux et que je crains de te voir arriver à présent. Le bottier a apportéb tes bottes à liège. Il craignait, le pauvre homme, que tu l’aies changéc et il en était très chagrin lorsqu’il a reçu ma lettre. Voilà ce qu’il m’a dit au sujet des souliers à chaussettes : une paire 30 F. En vernis simple, 26 F. Napolitain à liège, 20 F. Du reste le veloursd ne serait pas solide à moins d’être du veloursd de coton. La trame du veloursd de soie est beaucoup trop légère pour soulier de fatigue. Voilà tous les renseignements qu’il m’a donnése, tu vois qu’ilsf sont nombreux. Il me reste à peine assez de place pour t’embrasser et pour te dire que tu es mon Victor adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 279-280
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « attiffé ».
b) « apporter ».
c) « changer ».
d) « velour ».
e) « donné ».
f) « il ».

Notes

[1« Fanfaron, vantard qui se targue de son courage et de ses prétendus exploits », Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, 1876.

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