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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 septembre [1844], mardi soir, 5 h. ½

Je baise tes pieds, mon cher adoré, j’appuie mon cœur contre ton cœur pour l’empêcher de souffrir. Je t’aime, mon pauvre homme éprouvé, je t’aime de l’amour le plus épuré et le plus tendre, je t’adore. Je t’attends ce soir, mon Victor bien aimé. Je crains que tu ne viennes que bien tard. Et, si j’osais dire toute ma pensée, je tremble que tu ne viennes pas du tout. Cependant, tu m’as fait préparer à souper, mais ce n’est pas une raison pour que tu tiennes ta promesse. Je ne serai sûre de mon bonheur que lorsque je le tiendrai.
Clairette travaille à toute force. Seulement, je ne suis pas en état de distinguer si c’est utilement qu’elle s’occupe. Je désirerais, si ce n’est pas un trop grand ennui pour toi, que tu jettes les yeux de temps en temps sur sa besogne. Mais, je ne veux pas absolument que cela te coûte la moindre fatigue. Si tu viens ce soir, je te demanderai et tu me diras oui ou non. Si tu viens ce soir. Mais qu’est-ce que je deviendrais si tu ne venais pas, mon Dieu ? Ô tu viendras, n’est-ce pas mon cher adoré, n’est-ce pas que tu ne me fuiras pas, mon cher bien-aimé, et que tu trouveras quelque douceur dans mon amour et dans mes regrets ? J’ai besoin de le croire, mon bien-aimé, pour supporter tes continuelles absencesa. Sans cela, à quoi servirait que je t’aime plus que ma vie, si tu ne trouvais aucune consolation dans mon amour ? Je ne sais pas m’exprimer, mon Victor, cela se voit du reste, et la meilleure partie de ce que je sens reste au fond de mon cœur. Mais tu le devines, n’est-ce pas ? Tu sais si je t’aime et si tu es ma vie. Tu sais encore si j’ai besoin de te voir et si je souffre de ton absence. Je n’ai donc rien à t’apprendre de ce côté-là. Aussi je pourrais me dispenser de te gribouiller ces hideux gribouillis si ce n’était pas une manière pour moi de t’attendre avec moins d’impatience et de tristesse. C’est pour cela, mon cher adoré, que je les fais avec cette constance et puis pour avoir l’occasion de t’embrasser dans chaque motb.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 125-126
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « continuelle absence ».
b) « mots ».

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