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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 janvier [1849], mercredi matin, 9 h.

Bonjour, mon idéal bien-aimé, bonjour, mon grand adoré, bonjour, santé, joie et bonheur à toi et à tous les tiens. Comment vas-tu ce matin mon amour ? Moi je vais t’aimant mieux que le point du jour qui n’a rien de bien séduisant dans ce moment-ci, à en juger par ce que je vois de ma fenêtre et par le bout de mon nez. Je sais bien que c’est la saison et que tout est pour le mieux selon le bon Dieu, mais moi je ne suis pas très convaincue et les pauvres malheureux qui grelottent dans les greniers sans pain et sans feu le sont encore moins que moi. Je n’ose pas y penser, c’est trop horrible.
J’ai reçu hier, après que tu as été parti, une lettre d’Eugénie. Tu la verras. Elle est vraiment très bien. On voit qu’elle a compris toute la généreuse bonté et tout l’honneur que tu lui as fait et qu’elle en est heureuse et reconnaissante. En même temps, la pauvre femme m’apprend que son fils [1] est tombé dans le bassin des Tuileries (probablement en voulant glisser sur la glace) et qu’il est rentré chez elle à l’état de glaçon. Elle s’est empressée de le coucher dans un lit chaud et elle pense que cela n’aura pas de suite, mais si je vais te conduire à l’Assemblée de bonne heure, je passerai chez elle savoir de ses nouvelles. En même temps, je te recommande de te méfier des ruisseaux gelés et de ne pas marcher dessus, car rien n’est plus dangereux dans ce moment-ci, et que je n’ai pas besoin que tu te casses quoi que ce soit.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 1-2
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse


3 janvier [1849], mercredi matin, 11 h. ½

Mon cœur absorbe toute ma chaleur, de sorte qu’il ne m’en reste plus du tout pour le reste du corps, et que j’aurais bien besoin d’user du moyen gymnastique employé par les convives du représentant de la République pour m’échauffer un peu. Sans compter que je n’ai pas de robes doublées et que mon petit manteau de sept ans n’est rien moins que chaud. Voilà où j’en suis de mon calorique en l’an de grâce de la République française et de ses augustes représentants. Il faut que je trouve dans mon esprit des ressources contre les rigueurs de la saison, ce qui ne m’empêche pas de geler toute vive. Tout cela est lugubre, mais ce qui l’est moins c’est que je vous aime comme un chien et que je suis la plus heureuse des femmes quand je suis avec vous, c’est-à-dire pas souvent. Hier, j’ai dû renoncer au bonheur d’être avec vous sous la même [calotte  ?] républicaine, à cause de ces pauvres péronnelles [2], qui se faisaient une joie de venir passer quelques heures avec moi au coin de mon feu. Mais ça n’a pas été sans hésitation et sans regret et à l’heure qu’il est j’en suis encore à me le reprocher. Maintenant il me faudra attendre 24 jours avant de retrouver une pareille bonne occasion. C’est un peu long pour une Juju affaméea comme moi.

BnF, Mss, NAF 16367, f. 3-4
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « affammée ».

Notes

[1Jules-Charles, né le 18 juin 1836. Il est le fils non-reconnu du peintre Jules-Claude Ziegler.

[2Très vraisemblablement Julie et Louise Rivière.

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