4 juin 1858

Guernesey, 4 juin 1858, vendredi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, sois heureux et béni aujourd’hui autant que tu es aimé dans mon cœur. Je désire que tu prennes toutes les récréations du corps et de l’esprit qui peuvent entretenir ta santé physique et la sérénité de ta chère âme. Ainsi, bien loin de vouloir abréger ton tonneau, je te prie de le continuer autant que cela t’amuse et que le jour te le permet. La seule liberté que je te demande pour moi, c’est de ne pas sortir tous les soirs après une certaine heure parce que la fatigue de la journée finit à la longue par dégénérer en souffrance. Cependant plutôt que d’interrompre ton amusement du soir, je forcerai mes FORCES à faire leur office jusqu’à l’heure qu’il te plaira. Voilà, mon cher adoré, car cela n’est pas plus difficile que cela en somme, ce qui ne m’empêche pas de penser que j’aurai le plaisir d’aller avec toi tantôt acheter ton étoffe bouton d’or, mais si tes ouvriers ne te talonnent pas trop, nous pourrons étendre la sortie jusqu’à une bonne petite promenade de plain-pied à travers la ville et les champs. Jusque là, je vous aime au galop et je vous attends à poste fixe comme il convient à une Juju bien dressée. Taisez-vous ! Baisez-moi ! Aimez-moi ! Et la mort !

BnF, Mss, NAF 16379, f. 122
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette