19 avril 1858

Guernesey, 19 avril 1858, lundi après midi, 3 h.

J’ai beau faire force de voile et de rame, mon cher petit homme, je suis toujours en retard, c’est vraiment agaçant. Cependant, Dieu sait si j’ai cœur à copier tout de suite et de mon mieux, le joli petit roman du bon et excellent Charlot [1]. Je crains, ne me connaissant pas à fond, qu’il ne croie que j’y mets peu d’empressement tandis que c’est bien réellement le contraire. Dès que je t’aurai gribouillé ma petite restitus, je me mettrai à l’ouvrage. En attendant, je ne serais pas fâchée de voir d’un peu plus près le bout de ton cher petit nez et savoir comment agit ton clou [2] depuis tantôt. Je ne savais pas que tu t’en irais si vite et sans rien dire ce matin, car sans cela, je t’aurais demandé à le voir pour te donner à toi-même des renseignements de visu plus sûrs que ceux que tu peux prendre par à peu près. Cependant, il me semble que si ce clou avait un mauvais caractère, il l’aurait déjà montré. J’espère toujours que ce n’est qu’un bobo dont tu seras tout à fais quitte dans un jour ou deux. Ce qui ne m’empêche pas d’envier à M^me Duverdier sa chance de t’avoir tous les jours en gala, tandis que moi, je n’ai que deux pauvres petites LICHETTES par semaine, ce qui n’est pas assez pour mon cœur affamé. Juliette

BnF, Mss, NAF 16379, f. 82
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette