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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 avril [1846], dimanche matin, 9 h. ½

Bonjour mon Toto, bonjour mon bon petit Toto, bonjour mon adoré petit homme, bonjour. Je te baise de l’âme et du cœur, comment vas-tu ? Ici nous allons bien, c’est toujours comme cela tous les matins [1]. Malheureusement les soirées ne sont pas aussi bonnes. J’attendrai M. Triger avant de hasarder aucun autre bouillon de poulet. J’ai hâte de voir cette pauvre enfant en pleine convalescence, pour elle d’abord qui souffre, et pour moi qui suis privée de te voir. J’ai le cœur tout malade et tout triste. Je sens que j’ai besoin de toi, de toi et puis encore de toi. Si tu veux m’en donner dès que je serai un peu plus tranquille, je saurai bien le MANGER. En attendant, je m’en passe, à mon grand regret. Que fais-tu ce matin ? Penses-tu un peu à moi du milieu de ta famille et de ton bonheur ? Moi je pense à toi toujours, rien ne peut me distraire de ton doux souvenir et rien, ni peine, ni plaisir ne peut me faire oublier les ennuis de ton absence. Mme Luthereau sort de chez moi, elle venait savoir des nouvelles de Claire. Maintenant elle ne viendra plus que demain. Je serai seule toute la journée aujourd’hui. Je n’en suis pas fâchée parce que je crois que ma péronnelle se trouvera mieux du silence et de l’isolement complet. Quant à moi, je ne sens qu’une chose, le besoin de te voir et d’être avec toi. Tâche de venir une petite goutte tout à l’heure, tu me feras une grande joie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 391-392
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


19 avril [1846], dimanche soir, 10 h. 

Tu n’es pas revenu tantôt mon adoré, et je ne t’en veux pas parce que j’ai bien compris que le mauvais temps compliqué de ta mauvaise chaussure devait te rendre prudent. Moi j’ai passé mon temps à soigner ma fille et j’espère que cette fois le mieux ne se démentira pas. Il n’est survenu aucun accident, la journée toute entière s’est bien passée et le père Triger a approuvé ma médicamentation. Tout en m’occupant de ma pauvre péronnelle, je n’ai pas cessé de penser à vous, à preuve que je vous ai fait de la bonne cuisine dans une casserole de cuivre, vous m’en direz des bonnes nouvelles. À propos de nouvelles, je vais voir tout à l’heure si j’ai fait ma fortune avec la loterie des petits bourgeois. Jusqu’à présent je n’ai pas encore pu m’en assurer parce que j’ai eu toute la journée des visites pour Claire et puis Mme Luthereau sur laquelle je ne comptais pas est venue dîner et je ne voulais pas parler de cela devant elle. Quand je pense que j’ai peut-être le gros lot à l’heure qu’il est et que je n’en suis pas plus fière, je m’admire et je me vénère stoïquement. Avant de me lancer à corps perdu dans la fortune, je vais écrire à Dabat de te faire une paire de bottes à liège, on n’est pas plus philosophe.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 393-394
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

Notes

[1La tuberculose de Claire, dont les premiers symptômes sont apparus fin mars, et qui l’emportera en juin, n’a pas encore été diagnostiquée.

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