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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 avril [1846], jeudi matin, 9 h. ½

Bonjour donc vous, bonjour mon petit bien-aimé, bonjour mon pauvre amour adoré, bonjour. Comment vas-tu ce matin ? Est-ce que tu t’es encore couché bien tard cette nuit ? Je n’ai plus envie de rire quand je pense à cela et je me trouve presque coupable de dormir pendant que tu travailles sans relâche. Je ne sais pas comment tu peux suffire à tout ce que tu fais, même en y joignant les nuits avec les jours, mais je sais encore moins comment tu conserves ta jeunesse et ta santé à ce métier dévorant. C’est plus qu’un phénomène, c’est un miracle. Seulement, il est à craindre que le bon Dieu ne se lasse avant toi et que ton courage ne te mène trop loin. Cher adoré, mon Victor généreux, pense à cela et ménage-toi un peu dès à présent.
J’espère que je te verrai tout à l’heure et je m’en réjouis d’avance. Je t’attends comme on attend la lumière et le soleil. Tu es plus que cela encore pour moi, tu es la joie et le bonheur même. Aussi dès que je te vois, je ne désire plus rien au monde. Je suis heureuse, je suis ravie, je suis au comble de mes vœux, tu es tout pour moi et je suis toute à toi. Tu es mon Victor béni que je désire et que j’attends, que je baise et que j’adore. Tu es mon beau petit bien-aimé dont je suis fière.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 357-358
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


9 avril [1846], jeudi après-midi, 5 h. ¼

C’est toujours la même chose, mon Toto : chaque fois que je pourrais sortir, vous ne pouvez pas m’emmener, et chaque fois que je ne suis pas prête vous me proposez de sortir. On n’est pas plus chanceuse en vérité et j’aimerais autant autre chose. J’ai beau y être habitué, je n’en suis, je crois, que plus contrariée quand cela m’arrive. Aujourd’hui entre autre je me serais donné des coups si j’avais pu comme si c’était de ma faute. Toujours est-il que le moment était on ne peut mieux choisi pour augmenter mes regrets : temps charmant et perspective de faire deux fois le trajet accrochée à votre cher petit bras. Rien n’y manquait pour me faire le plus enrager possible. Demain je me préparerai dès cinq heures du matin, absolument comme les pompiers de Belgique préparent leurs pompes les veilles d’incendies. Enfin c’est égal, je me préparerai à tout événement, ne fût-ce que pour avoir le plaisir de me faire refuser jusqu’au jour où je refuserai à mon tour. Voime, voime c’est charmant mais je n’en bisque que plus fort. Si j’osais je dirais des gros mots mais je me retiens pour ne pas éclater. Il me semble que l’heure de l’Académie est bien passée ? Est-ce que vous n’allez pas venir bientôt ? J’ai cependant bien besoin d’un rabibochage monstre pour tous les guignons qui émaillent ma pauvre vie. Si vous ne venez pas je suis capable d’en pleurer. Cher adoré, tu ne sais pas, tu ne peux pas savoir ce qu’une minute de [toi  ?] de plus ou de moins ajoute de bonheur à ma vie ou de tristesse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 359-360
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

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