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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 8 janvier 1858, vendredi matin, [illis.] ½

Je t’ai déjà dit bien des bonjours du cœur et de l’âme depuis ce matin, mon doux adoré, et je t’ai bien des fois béni dans la nuit chaque fois que je ne dormais pas, ce qui ne m’empêche pas de trouver qu’il y a bien longtemps que je ne t’ai vu et de désirer que quelque bon incidenta te fasse venir bien vite auprès de moi. J’espère que tu ne t’es pas donné de douleur de cœur hier en courant comme un dératé pour ne pas te faire attendre par les absinthiers [1] impatients et affamés ? J’espère encore que tu as passé une bonne soirée et que tu as pensé à moi dans un tout petit coin de ton âme. Quant à moi, je t’ai aimé tout mon saoul et en égoïste à moi toute seule. Puis je me suis couchée à dix heures sans avoir eu le courage de faire mes comptes. Aussi, je me dépêche ce matin pour rattraper le temps perdu (qui ne se rattrape jamais) pour profiter du jour sans lequel mes yeux ne peuvent plus voir du tout. Et à ce sujet, je crois qu’il serait utile pour toi et pour moi d’acheter une lampe en la faisant garantir par [Ozanne ?]. Après tout ce serait une mauvaise économie que de crever le reste de nos yeux pour 12 ou 15 F. Penses-y, mon cher petit homme et, décide en dernier ressort. Quant à moi, je me conforme d’avance à ton opinion. En somme le sacrifice de mes [lunettes/binettes ?] ne sera pas bien grand pour le peu qu’il en reste. Ce n’est pas comme mon amour : plus je t’en donne, plus j’en ai [2].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16379, f. 10
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

a) « bons incidents »

Notes

[1Néologisme inventé par Juliette. Signifie les personnes qui boivent de l’absinthe. Le jeudi soir, Hugo dîne chez les Duverdier.

[2Il peut s’agir d’une réminiscence de Roméo et Juliette de Shakespeare, où Juliette, parlant de son amour, dit à Roméo : « The more I give to thee, / The more I have, for both are infinite. » (Acte II, scène 2). À moins que Juliette Drouet ait trouvé seule cette formule de son homonyme shakespearienne.

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