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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 avril [1848], jeudi matin, 9 h.

Tu n’es pas revenu hier au soir, mon doux adoré, et pourtant je t’avais donné huit sous et je ne m’étais pas couchée pour te voir plus en PIED et plus à mon aise. Cependant je ne t’en veux pas, loin de là, je t’aime et je te bénis du fond de mon âme.
J’ai encore passé une bonne nuit, meilleure même que l’autre. Pourtant mon bras n’en est pas plus vaillant ce matin et j’en souffre toujours autant. Cela m’empêchera d’aller te chercher, ce dont j’enrage de grand cœur, mais qu’y faire ? Je craindrais de me mettre en route avec ce stupide bras qui me refuse le service. Quand cela finira-t-il ? Je n’ose plus rien espérer maintenant que mon état d’infirmité et de podagrerie [1] se consolide de plus en plus. Je suis triste et découragée et la plaisanterie se fige sur mes lèvres avant d’en être dehors. Je finis par ne pas trouver la chose très drôle. Mais je te rabâche toujours la même chose, ce qui n’est pas le moindre inconvénient de mes maladies. Je m’en aperçois sans pouvoir me retenir, autre supplice, contre lequel ta patience, ta douceur et ton indulgence ne suffisent pas pour me faire pardonner à moi-même mes grognasseries.

Juliette

MVH, 8064
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux


13 avril [1848], jeudi, midi ½

Combien je regrette, mon doux bien-aimé, de ne pouvoir pas t’accompagner à l’Institut ou aller te chercher ce soir. Mais je sens que ce serait imprudent de ma part vu l’état douloureux de mon bras de me risquer seule dans les rues et je reste à la maison bien malgré moi et avec de gras soupirs de regrets et de tristesse. Cher adoré, mon amour, mon âme, ma vie, ma joie, je souffre doublement loin de toi et les heures me semblent des mois tant elles sont lourdes et sombres, je voudrais être à ce soir pour te voir. J’espère que je te verrai tout à l’heure mais c’est si peu de temps que je ne peux pas m’en réjouir beaucoup. Quand donc serons-nous réunis une bonne fois pour ne plus nous séparer de longtemps ? Probablement plus jamais en ce monde du moins. Cette pensée me fait désirer d’arriver au plus vite là où nous ne serons plus séparés au risque de priver la République et son gouvernement provisoire de mon admiration et de mon enthousiasme, de mon dévouement et de mon éloquence, de mon patriotisme et de mes conseils. On n’est pas parfait. Baise-moi.

Juliette

MVH, 8065
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

Notes

[1Juliette Drouet souffre régulièrement de la goutte.

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