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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 mars 1846

24 mars [1846], mardi matin, 9 h. ¾

Bonjour mon Victor chéri, bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour je t’aime et vous ? Qu’est ce que vous faites aujourd’hui ? Avec cela que ça m’avancerait beaucoup de le savoir, je sais très bien que quoi que vous fassiez, il n’y aura rien pour moi. Cher adoré, mon Toto, mon amour, je suis un monstre d’ingratitude. Je t’en demande pardon mais je sens que je suis incorrigible, à force de t’aimer je deviens féroce et stupide. Je voudrais qu’il n’y ait de toi que pour moi. C’est un égoïsme qui augmente au fur et à mesure que le cercle de tes affections et de tes devoirs s’accroît. J’ajoute à mon amour tout celui que tu n’as plus le temps de me donner et de ce mélange sort un besoin ardent, une soif inextinguible de te voir et d’être toujours avec toi qui me rend féroce. Aujourd’hui, je sais que tu as Académie, par conséquent impossibilité de me faire sortir à moinsª que tu ne veuilles que je te conduise jusqu’à l’Institut et que je n’aille t’attendre chez Mlle Féau ? Cela n’est pas probable et je n’y compte pas. Mais je n’en ai pas la moindre mauvaise humeur, mon bien-aimé, je sens toutes les impossibilités qui se mettent entre toi et moi sans t’en accuser. J’en souffre mais je ne t’en veux pas, je ne t’en aime que plus, voilà tout. À bientôt n’est-ce pas mon Victor adoré ? À tout à l’heure je l’espère, d’ici là je te baise des millions de fois.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 301-302
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « amoins ».


24 mars [1846], mardi après-midi, 3 h. ¾

Que t’est-il donc arrivé, mon cher bien-aimé, que tu n’es pas venu baigner tes pauvres yeux adorés [1] ? J’espère que ce n’est rien de fâcheux et que je vais te voir tout à l’heure sain et sauf avec ta bonne petite figure contente et épanouie ? J’ai bien besoin de cela pour me dérider et pour m’égayer car il fait aussi noir dans mon cœur que dans le ciel. Cher petit Toto chéri, je vous adore, vous le savez trop bien, c’est ce qui fait que vous n’y attachez plus la moindre importance. Allons bon, voilà mes giboulées qui vont vous crever sur la carcasse, cependant je ne le veux pas absolument et je vais me résister de toutes mes forces. Je veux ne vous laisser voir que les rayons de mon amour et garder pour moi les brumes et les nuages gris.
Dites donc, mon Toto, que sont donc devenus vos manuscrits à COPIRE  ? Est-ce que vous auriez eu le front de les donner à d’autres qu’à moi ? Pour le coup je me fâcherais tout rouge et je ne vous le pardonnerais jamais. C’est bien le moins, mon Dieu, qu’à défaut de vous que je ne peux pas avoir, j’aie la consolation de toucher des lèvres, des yeux, de la pensée et de l’âme les admirables choses que vous écrivez. Aussi je demande que vous me donniez tout de suite à copier, tout de suite, tout de suite, tout de suite. Justement j’ai un bel encrier neuf et des belles plumes toutes neuves, aussi cela ira comme sur des roulettes et je serai la plus heureuse des Juju.

BnF, Mss, NAF 16362, f. 303-304
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Victor soigne ses problèmes ophtalmiques en prenant des bains d’yeux que lui prépare Juliette Drouet.

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