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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 mars 1846

12 mars [1846], jeudi matin, 9 h. ¼ 

Bonjour mon petit bien-aimé, bonjour mon adoré, bonjour mon Victor chéri, bonjour mon pauvre gendarme. Bonjour comment va ta borne-fontaine [1] ? As-tu bien parlé du dez auprès des charbantes dabes que tu as vues cette duit ? À quelle heure es-tu rentré ? Comment vas-tu ce matin et quand viendras-tu me voir ? Je t’attends avec toute l’impatience d’un cœur qui t’aime et qui te désire de toutes ses forces. Dépêche toi de venir, mon Toto, en même temps tu baigneras tes pauvres yeux [2] fatigués par le rhume et je te donnerai un bon mouchoir bien fin pour ton pauvre nez TUMÉFIÉ.
Jour Toto, jour mon cher petit o jour je t’aime. Je pense que j’irai voir Claire tantôt. Cependant pour peu qu’il fasse vilain ou même douteux je n’irai pas parce que je suis blaireuse aujourd’hui et que je ne pourrais pas me risquer à travers les FRIMASa sans inconvénients. Aussi je me prépare d’avance à rester à la maison car je vois le temps très grimaud. Il ne tiendrait qu’à moi de l’être mille fois davantage avec les cris que fait Cocotte. On dirait qu’elle choisit son temps pour mieux me déchirer le tympan et m’égarer les nerfs d’une manière effrayante. Il me prend envie de l’étrangler par moment. Si tu ne veux pas décidément la prendre je la donnerai ou je la vendrai parce que c’est un vrai supplice pour moi tous les jours. Eh ! bien une fois, deux fois, trois fois mon Bill passe t-il ? Non, eh ! bien, adjugé je me passerai de votre hospitalité et j’enverrai Cocotte au diable où elle pourra.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 255-256
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « FRIMATS ».


12 mars [1846], jeudi soir, 7 h. 

J’aurais le droit de vous tirer toutes sortes de choses y compris le nez s’il n’était pas aussi marécageux, pour vous apprendre à m’empêcher d’aller chez des braves gens quand vous n’êtes pas sûr de pouvoir venir me voir une minute en passant. Heureusement que je suis d’une bonne composition et que je vous aime en dépit de tout, ce qui fait que je n’ai pas la moindre mauvaise humeur de cette nouvelle déception. Je n’ai que le regret bien vif de te ne pas te voir mais je ne t’en veux pas, mon bien-aimé, bien loin de là. Si tu peux venir avant ton dîner ne fût-ce qu’une seconde, je serai très heureuse et bien contente d’être revenue directement à la maison pour te voir cette seconde-là. J’ai trouvé Claire bien remontée. Elle avait reçu une lettre de son père [3] très bonne, l’homme étant donné, je l’ai apportée pour que tu la voies. Je n’ai pas vu celle de M. Varin parce qu’elle ne l’avait pas sur elle. Enfin tout est sous le meilleur état possible pour le moment. Si tu pouvais venir je ne désirerais plus rien et je pousserais mon cri de joie : Quel Bonheur !!! Mais hélas ! mon espoir s’en va avec l’heure qui passe. Bientôt je n’espèrerai plus ce qui sera fort triste. Pourvu qu’il ne te soit rien arrivé ! Mais j’y pense, c’était peut-être séance publique et tu y auras assisté avec toute ta famille que tu auras ramenée chez toi ? Et puis tu m’auras oubliée. Si cela était, ce serait bien mal et je ne veux pas le croire sans preuve. Il sera toujours temps de me faire du chagrin. En attendant j’aime mieux t’embrasser de toutes mes forces et de confiance.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 257-258
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Hugo est enrhumé.

[2Hugo avait l’habitude de soigner ses problèmes ophtalmiques en prenant des bains d’yeux chez Juliette Drouet.

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