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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 22 déc[embre 18]78, dimanche matin, 8 h. ½

Encore une mauvaise nuit pour toi, mon pauvre bien-aimé, d’autant plus fatigantea que tu n’as pas cessé de tousser, je le sais par Mariette, c’est désolant. Encore si tu entendais la raison, si tu voulais soigner ce rhume qui, cette fois, paraît y mettre autant d’entêtement à s’éterniser que toi à le garder, cela me tranquilliserait. Mais tu tiens à souffrir sans nécessité, sans honneur et sans profit, le rhume pour le rhume, l’art pour l’art. C’est absurde et dangereux. Enfin la nature l’emporte et t’impose quelques heures de sommeil ce matin, ce qui me rassure un peu en ce moment. J’en ai d’autant plus besoin que je suis assez inquiète sur l’accueil que tu feras à mon brave et honnête neveu [1] que tu as pris en grippe et en suspicion sans savoir pourquoi, à moins que ce ne soit à cause de sa parenté avec moi ; je ne sache pas, cependant, qu’il ait rien fait pour démériterb dans ton estime depuis le jour où tu lui as fait l’honneur de lui confier tes manuscrits il y a un peu plus d’un an.
22 oct[obre 18]77
« Esta mañana Louis Koch se ha vinido con un coche y ha llevado mis dos malas en seguridad en su casa. La tercera que he guardado la muche las copias [2]. » Autant cette marque de confiance était honorablec pour lui à ce moment-là autant ta méfiance aujourd’hui est inexplicable et blessante pour lui et pour moi, tellement blessante et tellement inexplicable que je n’ai pas encore trouvé le moyen de l’éloigner de la maison sous un prétexte plausible et honnête. J’espère qu’à force de le chercher je le trouverai, ne fût-ced qu’en lui avouant la vérité : une espèce d’aversion latentee que tu as contre moi depuis que tu as mis ton cœur et ta vie au pillage, en faisant litière aux plus misérables et aux plus vulgaires passions. Cette confidence difficile à faire à un jeune homme, et à un jeune homme qui me touche de si près, me répugne et je ne la lui ferai qu’à mon cœur défendant et pour lui épargner un affront qu’il n’a pas mérité. Je te prie s’il vient ce soir de lui faire l’accueil que tu lui doisf jusqu’à plus amples explications de ma part [3].

Collection particulière / MLM / Paris, 62260 0070/0073
Transcription de Gérard Pouchain
[Charpentreau]

a) « fatiguante ».
b) « déméritter ».
c) « honnorable ».
d) « fusse ».
e) « lattente ».
f) « doit ».

Notes

[1(Jean-)Louis Koch.

[2« Ce matin Louis Koch est venu en voiture et il a emporté mes deux malles en sécurité chez lui. La troisième que j’ai gardée a surtout les copies. »

[3Le nombre particulièrement élevé de fautes d’orthographe dans cette lettre est proportionnel, comme souvent chez Juliette Drouet, à l’agitation causée par le trouble et l’indignation qui s’y expriment. Dans la lettre de la veille, elle exprimait son humiliation d’avoir à refaire son testament, à la demande de Victor Hugo, afin d’assurer qu’à sa mort, son neveu ne spolierait pas les petits-enfants de Hugo.

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