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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 11 avril [18]78, jeudi matin, 7 h. ½

À toi la première heure de cette journée, la première pensée de mon âme, mon premier vagissement dans la vie, mon premier et mon dernier mot de bonheur : je t’aime ! sois béni, je t’adore.
J’espère que tu dors encore c’est pourquoi je t’embrasse tout bas sur les yeux, sur ta bouche, partout où il y a place pour un baiser. La pluie continue de tomber et c’est à peine si j’y vois assez pour te griffonner ma chère petite restitus de gala. Petits déjeuners jaunes [1] s’épouillent et s’éplument à qui mieux mieux avec des petits cuiisa impatients et ennuyésb en regardant le ciel sans soleil et sans joie. On dirait qu’ils médisent entre euxc du mauvais état des saisons qui vont de-ci et de-là comme je te pousse et tout à fait au hasard. Moi je les écoute et je pense comme eux qu’il faudrait un préposé au bureau des longitudes célestes chargé de conduire et de diriger les saisons chacune à leur tour de rôle au poste qui leur est assigné par l’almanach. De cette façon on saurait à quoi s’en tenir sur l’hiverd, sur le printemps, l’été et l’automne. Autrement on patauge dans un tohu-bohu météorologique où le diable n’y retrouverait pas son parapluie. Il est vrai que cela m’épargnerait de t’écrire toutes ces billevesées sans queues ni têtes : quel malheur ! Cher bien-aimé, que tu as été bon, gentil et charmant hier pour moi et combien tu m’as rendue heureuse ! J’étais en proie à une tristesse noire que tu as tout de suite changéee en joie. Chaque fois que tu me souris tout rayonne en moi et autour de moi et je vois Dieu à travers toi comme les anges le voient au ciel. Je te bénis comme ils le bénissent et je t’adore comme ils l’adorent dans une sainte et sublime extase.

BnF, Mss, NAF, 16399, f. 98
Transcription de Chantal Brière

a) Orthographe fautive pour « cuis » ou cherchant à imiter le cri prolongé des oiseaux ?
b) « ennuiés ».
c) « entr’eux ».
d) « l’hivert ».
e) « changé ».

Notes

[1Surnoms des petits serins de Juliette, menacés par l’appétit de son chat.

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