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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 décembre [1847], samedi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon aimé, bonjour mon plus qu’aimé, bonjour mon Victor adoré. Comment vas-tu ce matin ? Tout ce que tu m’as dit hier au soir me fait regretter plus que jamais de t’avoir laisséa tout le poids de mon existence. Pauvre homme généreux tu n’as pas voulu me laisser ma part du fardeau et aujourd’hui tu t’aperçois trop tard combien il te fatigue. Que puis-je faire pour te soulager ? Économiser ? Mais il y a des dépenses prévues et qu’il ne dépend pas de moi d’arrêter ou de diminuer. Toutes les autres dans ma conscience je crois que je les simplifie autant qu’il est possible. Malheureusement cela ne peut guère te soulager et il est difficile même que tu t’en rendes compte. Je sens cela mieux que je ne te le dis et cela me tourmente on ne peut pas davantage. Non que je doute de ton courage et de ta générosité, mon noble adoré, mais parce que je sais tout ce que tu as à faire parce que je vois tes efforts surhumains pour satisfaire à tous tes devoirs et aux besoins sans cesse renaissants de tous. Voilà ce qui me tourmente et ce qui me navre le cœur. Si je connaissais un moyen de te venir en aide je le ferais avec des transports de joie et de bonheur. Mais hélas ! Je ne peux rien que te plaindre, t’admirer et t’aimer de tout mon cœur et de toute mon âme, ce qui n’est pas assez. Aussi je suis triste, triste, mon Victor et je t’aime plus que jamais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 276-277
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
[Souchon]

a) « laisser ».


11 décembre [1847], samedi matin, 11 h.

Je suis au milieu des ouvriers, mon pauvre bien-aimé, ce qui ne m’empêche pas de penser à toi et de t’envoyer mon âme dans un baiser. Le temps paraît vouloir se mettre au beau aujourd’hui. Je te promets d’en profiter dès que je le pourrai et même dès demain si c’est possible car je tiens à t’obéir en toute chose. Comment vas-tu, toi, mon adoré ? Es-tu moins las et moins inquiet que cette nuit ? Je pense sans cesse à tout ce que [tu] m’as dit, essayant de découvrir quelque moyen de te tirer d’embarras. Une fourmi essayant de dégager un aigle pris au piège ne serait pas plus grotesque et plus insuffisante que la pauvre Juju essayant de tirer son Toto d’embarras. Aussi, mon pauvre bien-aimé, c’est une double tristesse pour moi quand je te sais inquiet à cause de l’inutilité dont je te suis. Je devrais même ne pas te parler de ces choses du tout afin de ne pas ajouter à tous tes ennuis celui de me savoir tourmentée. J’ai fait disposer la salle à manger tout de suite pour que tu puisses venir t’y installer quand tu voudras. Ton eau est faite depuis longtemps. J’espère du reste être débarrassée de bonne heure de tous ces arias [1] de ménage. Je fais force de voiles et de rames pour cela. J’ai tant besoin de te voir et de me trouver seule auprès de toi que je fais tout ce que je peux pour y arriver plus vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 278-279
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

Notes

[1Arias : embarras (Littré).

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