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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 août [1841], mardi après-midi, 2 h. ½

Je suis toujours faisant mon petit merdinage en poussant toujours mes petites coliques les unes au bout des autres [1]. Du reste ça va bien. J’espère que je pourrai copier un peu aujourd’hui, à moins que le mal de tête n’augmente, auquel cas je me croiserai les bras car je suis incapable de rien faire de bon dans ce moment là. Il fait du reste encore un temps bien bon pour la recette de Ruy-Blas ce soir [2]. Quel bonheur si cela peut durer un mois ainsi, cela nous mettraita un peu de BAUMEb dans nos épinards (légume que préfèrent les femmes) [3]. Ia, ia, vieux sagoin, je t’en ficherai des calemboursc libidineuxd. Pour quoi faire, je vous le demande un peu, tu ferais bien mieux d’avoir un peu moins de langue et un peu plus d’action, blagueur que vous êtes.
Il paraît que vous vous êtes dispensé de prendre ma lettre hier. Au fait je comprends bien cela mais je comprendrais aussi bien que vous me dispensassieze de vous écrire, ce serait du papier, de l’encre et du temps d’économisés et bien des bêtises épargnées, bien des cuirs ménagés, bien de l’amour inutilement jeté devant un cochon qui ne se donne même pas la peine d’en approcher son groin. Taisez-vous, affreux bonhomme, vous ne méritez pas les sottises qu’on vous dit, à plus forte raison les compliments. Viens me demander un aillet, scélérat, tu verras comme je te recevrai et comme je ne t’en donnerai pas [4]. Ia, ia monsire Dodo, tâchez de venir souper ce soir car je vous ai acheté un tas de fricassée et de fruits qui seraient perdus. Et puis je vous aime toujours plus, brigand.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 155-156
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « mettrais ».
b) « BEAUME ».
c) « calembourgs ».
d) « libidneux ».
e) « dispenssassiez ».

Notes

[1Juliette souffre souvent de maux de ventre ou de tête violents, probablement en raison de sa réclusion et de son inactivité forcées. Elle a donc commencé au mois d’avril un traitement lourd, prescrit par le docteur Triger, qui va durer plusieurs mois (voir la lettre du 21 avril) et a pour effet de provoquer de fortes coliques.

[2Ruy Blas,a été reprise à la Porte-Saint-Martin le mercredi précédent, le 11 août 1841, avec Frédérick-Lemaître et Raucourt. Depuis, elle ne cesse d’espérer que le temps sera « au laid fixe » pour favoriser l’afflux de spectateurs.

[3Juliette fait référence à l’une des devinettes que Hugo s’amuse à lui poser de temps à autre : « quel est le légume que les femmes aiment le plus ? » Ici, le poète s’amuse peut-être à taquiner Juliette qui emploie très souvent l’expression « mettre du baume dans les épinards ».

[4Hugo en a demandé quelques jours auparavant mais Juliette avait oublié de lui en donner. Paradoxalement, lorsqu’elle en a eu de beaux à nouveau, Hugo n’en voulait plus.

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